Aller au contenu

Page:La Rhétorique des putains, 1880.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 54 —


laisser longtemps sa terre en friche. D’autant plus que la bonne dame ne donna aucune marque de provocation ou de consentement au grand ouvrage.

MARTHE

Mademoiselle Angélique vous parlez vraiment comme un ange. C’est ce que disent aussi nos moralistes ; et je me souviens que mon abbé me prouva un jour qu’une femme, dans certains cas, agit très prudemment, très louablement, si elle se tient d’une manière passive et reçoit tranquillement l’impulsion de l’agent physique ; et que cela devient même un devoir, si quelque brutal, emporté par une passion violente, éclate en menaces. Il m’allégua, à ce propos, l’exemple de la chaste Suzanne, et il me persuada qu’elle fut une sotte de crier et de s’opposer aux désirs des deux saints vieillards qui voulaient se baigner avec elle.

Lorsqu’elle vit que les deux dépositaires de la loi mosaïque étaient disposés à la noircir et à la traîner devant les juges, elle devait d’abord dire en elle-même :

« Que la pudeur et la chasteté s’en aillent au diable, pourvu qu’on sauve la réputation et la vie. » Elle devait ensuite les supporter en silence[1].

  1. Potuisset Suzanna in tanto metu infamiæ, mortisque, negative se habere, ac permittere se in eorum libidinem : quia majus bonum est vita et fama quam pudicitia ; unde hanc pro illa exponere licet Itaque non tenebatur ipsa exclamare, sed poterat dicere : « Patiar et tacebo, ne me infametis, et indigatis ad mortem. « P. Cornelius à Lapide, in cap. 13. Daniel, v. 22, 23.