ce que valent les bagatelles bien dites, et que je ne trouve[1] fort divertissante cette manière de badiner, où il y a certains esprits prompts et aisés qui réussissent si bien. J’écris bien en prose, je fais bien en vers, et si j’étois sensible à la gloire qui vient de ce côté-là, je pense qu’avec peu de travail je pourrois m’acquérir assez de réputation.
J’aime la lecture en général ; celle où il se trouve quelque chose qui peut façonner l’esprit et fortifier l’âme est celle que j’aime le plus ; surtout j’ai une extrême satisfaction à lire avec une personne d’esprit ; car de cette sorte on réfléchit à tous moments sur ce qu’on lit, et des réflexions que l’on fait il se forme une conversation la plus agréable du monde et la plus utile. Je juge assez bien des ouvrages de vers et de prose que l’on me montre ; mais j’en dis peut-être mon sentiment avec un peu trop de liberté. Ce qu’il y a encore de mal en moi, c’est que j’ai quelquefois une délicatesse trop scrupuleuse et une critique trop sévère. Je ne hais pas à entendre[2] disputer, et souvent aussi je me mêle assez volontiers dans la dispute ; mais je soutiens d’ordinaire mon opinion avec trop de chaleur, et lorsqu’on défend un parti injuste contre moi, quelquefois, à force de me passionner pour celui de la raison[3], je deviens moi-même fort peu raisonnable. J’ai les sentiments vertueux, les inclinations belles, et une si forte envie d’être tout à fait honnête homme[4], que mes amis ne me sauroient faire un plus grand plaisir que de m’avertir sincèrement de mes
- ↑ Treuve dans l’édition de 1659, petit in-8o.
- ↑ Dans l’édition de Duplessis ; « Je ne hais pas entendre. » — Dans la Galerie des portraits publiée par M. Éd. de Barthélémy : « Je ne hais pas à entendre » a été remplacé par : « Je ne tiens pas à entendre. »
- ↑ Brotier et Duplessis : « pour la raison. » — Voyez plus loin, p. 284, note 3.
- ↑ Malgré le voisinage des mots sentiments vertueux et inclinations belles, honnête homme est pris ici dans l’acception, ordinaire au dix-