Aller au contenu

Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t1, 1868.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
ET MAXIMES MORALES

LXXX

Ce qui nous rend si changeants dans nos amitiés, c’est qu’il est difficile de connoître les qualités de l’âme, et facile[1] de connoître celles de l’esprit[2]. (éd. 1*.)

LXXXI

Nous ne pouvons rien aimer que par rapport à nous, et nous ne faisons que suivre notre goût et notre plaisir quand nous préférons nos amis à nous-mêmes ; c’est néanmoins par cette préférence seule que l’amitié peut être vraie et parfaite[3]. (éd. 5.)

  1. Var. : c’est qu’il est aussi difficile… qu’il est facile. (1666.)
  2. Var. : « Ce qui rend nos inclinations si légères et si changeantes, c’est qu’il est aisé de connoître les qualités de l’esprit, et difficile de connoître celles de l’âme. (1665.)
  3. Voyez les maximes 83, 236, et la 2e des Réflexions diverses. — Saint-Évremond (Maxime, qu’on ne doit jamais manquer à ses amis. Œuvres mêlées, p. 289, Barbin, 1689) : « L’honneur, qui se déguise sous le nom d’amitié, n’est qu’un amour-propre qui se sert lui-même dans la personne qu’il fait semblant de servir. » — J. Esprit (tome I, p. 172) : « Quoiqu’il paroisse qu’il donne sa vie pour conserver celle de son ami, il est certain pourtant qu’il meurt pour sa propre gloire… » — Duclos (tome I, p. 204, Considérations sur les mœurs de ce siècle, chapitre vxi) : — « L’inclination détermine moins qu’on ne s’imagine à obliger, quoiqu’elle y fasse trouver du plaisir ; elle est souvent subordonnée à beaucoup d’autres motifs, à des plaisirs qui l’emportent sur celui de l’amitié, quoiqu’ils ne soient pas si honnêtes. » — Térence avait déjà dit (Adelphes, acte I, scène i, vers 13 et 14) :
    Vah ! quemquamme hominem in animum instituere, aut
    Parare, quod sit carius quam ipse est sibi ?

    « Est-il possible qu’un homme aille se proposer et se mettre en tête d’aimer quelque chose plus que soi-même ? »