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ET MAXIMES MORALES

CCXXVI

Le trop grand empressement qu’on a de s’acquitter d’une obligation est une espèce d’ingratitude[1]. (éd. 1*.)

CCXXVII

Les gens heureux ne se corrigent guère, et ils croient[2] toujours avoir raison, quand la fortune soutient leur mauvaise conduite[3]. (éd. 5*.)

CCXXVIII

L’orgueil[4] ne veut pas devoir, et l’amour-propre ne veut pas payer[5]. (éd. 1*.)

  1. Var. : On est souvent reconnoissant par principe d’ingratitude. (Manuscrit.) — L’annotateur contemporain fait remarquer la délicatesse de la pensée définitive de l’auteur.
  2. Nous suivons le texte de l’Appendice publié, en 1678, postérieurement à la 5e édition, pour compléter la 4e (1675) : voyez la Notice bibliographique. La 5e n’a pas et devant ils croient.
  3. Var. : avoir raison, quand la fortune les soutient. (Manuscrit.) — « La fortune, qui a un bandeau, dit l’annotateur contemporain, en met un sur toutes les actions de l’homme qui est en fortune. »
  4. Var. : Ce qui fait encore le mécompte dans les bienfaits, c’est que l’orgueil… (Manuscrit.) Cette première forme indique assez que cette pensée revient à la 225e.
  5. Tacite (Histoire, livre IV, chapitre iii) : Gratia oneri… habetur. « La reconnolssance est regardée comme un fardeau. » — Vauvenargues répond à la Rochefoucauld (p. 82) : « L’orgueil n’est qu’un effet de l’amour-propre, et, par conséquent, c’est l’amour-propre qui ne veut pas devoir, comme c’est lui qui ne veut pas payer. Comment est-il échappé à l’auteur des Maximes de distinguer l’orgueil de l’amour-propre, lui qui rapporte à ce dernier toutes nos vertus ? » — Vauvenargues oublie que la Rochefoucauld prend le mot amour-propre en divers sens, et qu’il l’emploie ici pour intérêt ou égoïsme.