Aller au contenu

Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t1, 1868.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
MAXIMES SUPPRIMÉES

dit de l’honnêteté des femmes, que ce n’est souvent autre chose qu’un art de paroitre honnête[1]. (1665*, n° clxxvi.)

DCVI

Ce que le monde nomme vertu n’est d’ordinaire qu’un fantôme formé par nos passions, à qui on donne un nom honnête, pour faire[2] impunément ce qu’on veut. (1665*, n° clxxix.)

DCVII

Nous sommes si préoccupés en notre faveur, que souvent ce que nous prenons pour des vertus n’est que des vices qui leur ressemblent, et que l’amour-propre nous déguise[3]. (1665*, n° clxxxii. — 1666, 1671 et 1675, n° clxxii.)

DCVIII

Il y a des crimes qui deviennent innocents, et même glo-

  1. Var. : Dieu seul fait les gens de bien, et on peut dire de toutes nos vertus ce qu’un poète a dit de l’honnêteté des femmes :
    … Esser onesta
    Non è, se non un’ arte di parer’ onesta. (Manuscrit.)

    Le poète dont il s’agit, c’est Guarini. — J. Esprit (tome I, p. 521) cite également ce vers, mais d’une façon différente, comme une ligne de prose : L’onestate altro non è che un’ arte di parer’ onesta ; et, tout en l’appliquant volontiers aux hommes, il proteste en faveur des femmes. — Voici le vrai texte de Guarini :

    … Altro al fin l’onestate
    Non è che un’ arte di parer’ onesta.
    (Pastor fido, acte III, scène v.)
  2. Var. : La vertu est un fantôme produit par nos passions, du nom duquel on se sert afin de faire… (Manuscrit.) — Cette pensée faisait double emploi avec la suivante, qu’elle exagérait d’ailleurs.
  3. Var. : Nous sommes préoccupés de telle sorte en notre faveur, que ce que nous prenons souvent pour des vertus n’est en effet qu’un nombre de vices qui leur ressemblent, et que l’orgueil et l’amour-propre nous ont déguisés. (Manuscrit et 1665 ; le manuscrit a : le plus souvent, pour souvent ; puis : « ne sont en effet que des vices. » ) — On peut s’étonner que l’auteur ait conservé, jusque dans la 4e édition, cette pensée, que la maxime épigraphe rendait inutile, aussi bien que la précédente.