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Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t1, 1868.djvu/43

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SUR LA ROCHEFOUCAULD

ne trouve pas de tels enseignements dans les badinages et les passe-temps littéraires des salons et des ruelles. Où est d’ailleurs ce prétendu renfort prêté par Mme de Longueville à l’ambition de la Rochefoucauld ? A-t-il tiré plus de profit véritable de cette tendresse passionnée que des bienveillantes dispositions de la Reine ou de l’intérêt sans cesse agissant de Mme de Chevreuse ? Loin de l’avoir avancé auprès de Condé, cette liaison semble plutôt lui avoir nui. Il est certain qu’elle ne plaisait pas à Monsieur le Prince, et, malgré les services dévoués et effectifs de la Rochefoucauld, il n’y eut jamais, tant que dura la Fronde, entre celui-ci et Condé une entière communication d’esprit, ni ce qu’on appelle une intimité à cœur ouvert. Enfin ce qui, à nos yeux, malgré bien des jugements contraires, achève de détruire l’hypothèse qui prête à la Rochefoucauld de longues visées d’ambition et veut que sa liaison avec Mme de Longueville ait été affaire d’intérêt plus que de sentiment, c’est que jamais, comme nous le dirons dans un instant, il ne fut plus près de s’accommoder avec Mazarin qu’au moment même où se nouait son commerce affectueux avec la duchesse.

Il est vrai que les contemporains (nous avons déjà tout à l’heure commencé à les entendre) témoignent diversement sur ce point ; mais peut-être, en cette matière délicate, les contemporains ne sont-ils pas les plus aptes à juger. Un des passages les plus remarquables, à tous égards, des Mémoires de Mme de Motteville, est celui où elle nous peint Mme de Longueville et parle de ses relations avec la Rochefoucauld[1]. Il commence par ces lignes où, sans être nommé, le duc est très-clairement désigné : « Son âme (de la princesse), capable des plus grands desseins et des plus fortes passions, s’étant laissé enchanter des illusions du plus haut degré de gloire et de considération auquel la fortune la pouvoit mettre, suivit, avec un peu trop de complaisance, les conseils d’un homme qui avoit beaucoup d’esprit, et qui l’avoit fort agréable ; mais, comme il avoit encore plus d’ambition, il s’étoit peut-être attaché à elle autant par le dessein de s’en servir pour se venger de la

  1. Tome II, p. 301 et 302 ; voyez, en outre, ces mêmes Mémoires, tome I, p. 334 et 335 ; tome II, p. 275-277 ; et tome III, p, 192-194.