On doit ne leur cacher rien[1] de ce qui ne regarde que nous, se montrer à eux toujours vrais[2], dans nos bonnes qualités et dans nos défauts même, sans exagérer les unes, et sans diminuer les autres[3] ; se faire une loi de ne leur faire jamais de[4] demi-confidences, qui embarrassent toujours ceux qui les font, et ne contentent presque[5] jamais ceux qui les reçoivent : on leur donne des lumières confuses de ce qu’on veut cacher, et on augmente leur curiosité ; on les met en droit d’en vouloir savoir davantage, et ils se croient en liberté de disposer de ce qu’ils ont pénétré. Il est plus sur et plus honnête de ne leur rien dire, que de se taire quand on a commencé à parler.
Il y a d’autres règles à suivre pour les choses qui nous ont été confiées : plus elles sont importantes, et plus la prudence et la fidélité y sont nécessaires. Tout le monde convient que le secret doit être inviolable ; mais on ne convient pas toujours de la nature et de l’importance du secret : nous ne consultons le plus souvent que nous-mêmes sur ce que nous devons dire et sur ce que nous devons taire ; il y a peu de secrets de tous les temps, et le scrupule de les[6] révéler ne dure pas toujours.
On a des liaisons étroites avec des amis dont on connoît la fidélité ; ils nous ont toujours parlé sans réserve, et nous avons toujours gardé les mêmes mesures avec
- ↑ Ici encore les précédents éditeurs ont changé la construction : « ne leur rien cacher. »
- ↑ Voyez ci-dessus, p. 85, note 3.
- ↑ Voyez les maximes 202, 206, et le Portrait de la Rochefoucauld fait par lui-même, plus haut, p. 7.
- ↑ Des dans les diverses éditions.
- ↑ Les diverses éditions ont omis presque, comme, deux lignes plus bas, et devant on augmente.
- ↑ Le, au lieu de les, dans la plupart des éditions.