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RÉFLEXIONS DIVERSES

les événements et les faire servir à sa gloire[1]. La foiblesse des armées qu’ils ont commandées dans les dernières

  1. Saint-Évremond a laissé également (Œuvres, Londres, 1725, tome V, p. 85 et suivantes) un Parallèle de Monsieur le Prince et de M. de Turenne, dont voici quelques passages : « Vous trouverez en Monsieur le Prince la force du génie, la grandeur de courage, une lumière vive, nette, toujours présente. M. de Turenne a les avantages du sang-froid, une grande capacité, une longue expérience, une valeur assurée. Celui-là, jamais incertain dans les conseils, irrésolu dans ses desseins, embarrassé dans ses ordres, prenant toujours son parti mieux qu’homme du monde ; celui-ci, se faisant un plan de sa guerre, disposant toutes choses à sa fin, et les conduisant avec un esprit aussi éloigné de la lenteur que de la précipitation. L’activité du premier se porte au delà des choses nécessaires, pour ne rien oublier qui puisse être utile : l’autre, aussi agissant qu’il le doit être, n’oublie rien d’utile, ne fait rien de superflu… Monsieur le Prince, plus agréable à qui sait lui plaire, plus fâcheux à qui lui déplaît (Saint-Évremond en savait quelque chose), plus sévère quand on manque, plus touché quand on a bien fait ; M. de Turenne, plus concerté, excuse les fautes sous le nom de malheurs, et réduit souvent le plus grand mérite à la simple louange de faire bien son devoir Quelque ardeur qu’ait Monsieur le Prince pour les combats, M. de Turenne en donnera davantage, pour s’en préparer mieux les occasions ; mais il ne prend pas si bien dans l’action ces temps imprévus qui font gagner pleinement une victoire ; c’est par là que ses avantages ne sont pas entiers… Monsieur le Prince a les lumières plus présentes, et l’action plus vive ; il remédie lui-même à tout, rétablit ses désordres, et pousse ses avantages… Tout ce que dit, tout ce qu’écrit, tout ce que fait M. de Turenne, a quelque chose de trop secret pour ceux qui ne sont pas assez pénétrants. On perd beaucoup de ne le comprendre pas assez nettement, et il ne perd pas moins de n’être pas assez expliqué aux autres. La nature lui a donné le grand sens, la capacité, le fond du mérite, autant qu’à homme du monde, et lui a dénié ce feu du génie, cette ouverture, cette liberté d’esprit, qui en fait l’éclat et l’agrément… La vertu (voyez la note suivante) de Monsieur le Prince n’a pas moins de lumière que de force ; … mais, à dire la vérité, elle a moins de suite et de liaison que celle de M. de Turenne : ce qui m’a fait dire, il y a longtemps (ce parallèle est de 1673 ; mais Saint-Évremond le retoucha en 1688), que l’un est plus propre à finir glorieusement des actions, l’autre à terminer utilement une guerre. »