campagnes, et la puissance des ennemis qui leur étoiont opposés, ont donné de nouveaux sujets à l’un et à l’autre de montrer toute leur vertu[1], et de réparer par leur mérite tout ce qui leur manquoit pour soutenir la guerre. La mort même de M. de Turenne[2] si convenable[3] à une si belle vie, accompagnée de tant de circonstances singulières, et arrivée dans un moment si important, ne nous paroît-elle pas comme un effet de la crainte et de l’incertitude de la fortune, qui n’a osé décider de la destinée de la France et de l’Empire ? Cette même fortune, qui retire Monsieur le Prince du commandement des armées, sous le prétexte de sa santé, et dans un temps où il devoit achever de si grandes choses, ne se joint-elle pas à la nature pour nous montrer présentement ce grand homme dans une vie privée, exerçant des vertus paisibles, et soutenu de sa propre gloire ? Brille-t-il[4] moins dans sa retraite qu’au milieu de ses victoires[5] ?
- ↑ Vertu, dans le sens du latin virtus, « force » (tant de l’esprit que du cœur), et par suite « mérite. » — Voyez, dans la citation de la note précédente, le mot employé de même par Saint-Évremond.
- ↑ On sait que Turenne fut tué d’un coup de canon, le 27 juillet 1675, près de Salzbach. Grâce à de savantes manœuvres, il venait d’attirer son célèbre adversaire, Montecuculi, sur un terrain où celui-ci ne pouvait éviter, dit-on, une déroute complète, qui eût décidé de cette guerre. — Voyez, plus haut, la Notice des Réflexions diverses, p. 274, note 3. — Mme de Sévigné nous apprend (tome IV, p. 81) que la Rochefoucauld fut très-affligé de la mort de Turenne.
- ↑ Voyez, plus haut, p. 318, note 6.
- ↑ « Exerçant des vertus paisibles, soutenu de sa propre gloire, et brille-t-il… ? » (Édition de M. de Barthélemy.)
- ↑ En lisant ces lignes, on se demande comment la Rochefoucauld a pu être si souvent et si légèrement accusé de dénigrement à l’égard du grand Condé. Ajoutons que son admiration est d’autant moins suspecte qu’il n’a pas donné ce morceau au public.