XV. — des coquettes et des vieillards[1]*.
S’il est malaisé de rendre raison[2] des goûts en général,
il le doit être encore davantage de rendre raison du goût
des femmes coquettes : on peut dire néanmoins que
l’envie de plaire se répand généralement sur tout ce qui
peut flatter leur vanité, et qu’elles ne trouvent rien d’indigne de leurs conquêtes-, mais le plus incompréhensible
de tous leurs goûts est, à mon sens, celui qu’elles ont
pour les vieillards qui ont été galants. Ce goût paroît trop
bizarre, et il y en a trop d’exemples, pour ne chercher
pas[3] la cause d’un sentiment tout à la fois si commun, et
si contraire à l’opinion que l’on a des femmes. Je laisse
aux philosophes à décider si c’est un soin charitable[4] de la
nature, qui veut consoler les vieillards dans leurs misères[5],
et qui leur fournit le secours des coquettes, par la même
prévoyance qui lui fait donner[6] des ailes aux chenilles,
dans le déclin de leur vie, pour les rendre papillons ; mais
sans pénétrer dans les secrets de la physique[7], on peut,
ce me semble, chercher des causes plus sensibles de ce
goût dépravé des coquettes pour les vieilles gens. Ce qui
est plus apparent, c’est qu’elles aiment les prodiges, et
qu’il n’y en a point qui doive[8] plus toucher leur vanité que
- ↑ Voyez les maximes 418, 423, 444 et 461.
- ↑ « Il est malaisé de se rendre raison. » (Édition de M. de Barthélemy.) — Rapprochez de la 10e des Réflexions diverses.
- ↑ « Pour ne pas chercher.» (Édition de M. de Barthélemy.)
- ↑ « Un don charitable. » (Ibidem.)
- ↑ « Dans leur misère. » (Ibidem.)
- ↑ « Qui leur fait donner. » (Ibidem.)
- ↑ « Dans le secret de la physique. » (Ibidem.) — Physique dans le sens général d’étude de la nature.
- ↑ « Doivent. » (Édition de M. de Barthélemy.)