gements de l’amour. Il y a une première fleur d’agrément et de vivacité dans l’amour, qui passe insensiblement, comme celle des fruits[1] ; ce n’est la faute de personne ; c’est seulement la faute du temps. Dans les commencements, la figure est aimable ; les sentiments ont du rapport : on cherche de la douceur et du plaisir ; on veut plaire, parce qu’on nous plaît, et on cherche à faire voir qu’on sait donner un prix infini à ce qu’on aime ; mais, dans la suite, on ne sent plus ce qu’on croyoit sentir toujours : le feu n’y est plus ; le mérite de la nouveauté s’efface ; la beauté, qui a tant de part à l’amour, ou diminue, ou ne fait plus la même impression[2] ; le nom d amour se conserve, mais on ne se retrouve plus les mêmes personnes, ni les mêmes sentiments ; on suit encore ses engagements, par honneur, par accoutumance[3], et pour[4] n’être pas assez assuré de son propre changement.
Quelles personnes auroient commencé de s’aimer, si elles s’étoient vues d’abord comme on se voit dans la suite des années[5] ? Mais quelles personnes aussi se pourroient séparer, si elles se revoyoient comme on s’est vu la première fois ? L’orgueil, qui est presque toujours le maître de nos goûts, et qui ne se rassasie jamais, seroit flatté sans cesse par quelque nouveau plaisir ; mais[6] la constance perdroit son mérite, elle n’auroit plus de part à une si agréable liaison ; les faveurs présentes auroient la même grâce que les faveurs premières, et le souvenir
- ↑ « Comme celle du fruit. » (Édition de M. de Barthélemy.) — Voyez les maximes 274, 577, et la 9e des Réflexions diverses.
- ↑ « La beauté… est diminuée ; on ne fait plus la même impression. » (Édition de M. de Barthélemy.)
- ↑ Rapprochez de la maxime 351.
- ↑ Pour dans le sens de parce que (parce qu’on n’est pas assez assuré…).
- ↑ Voyez la maxime 71.
- ↑ Cette conjonction manque dans le texte de M. de Barthélemy.