Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t1, 1868.djvu/498

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362 APPENDICE. la douleur est un mal ; il prétend que la raison peut rendre l’homme impassible’, et au lieu d’abaisser son orgueil, il le relève au-dessus de la divinité. Il nous auroit bien plus obligés de nous avouer fran- chement les foiblesses et la corruption du cœur humain , que de prendre tant de peine à nous tromper. L’auteur des Réflexions n’en fait pas de même : il expose au jour toutes les misères de l’homme, mais c’est de l’homme abandonné à sa conduite qu’il parle, et non pas du chrétien ; il fait voir que, malgré tous les efforts de sa rai- son*, l’orgueil et l’amour-propre ne laissent pas de se cacher dans les replis de son cœur ’, d’y vivre et d’y conserver assez de force pour répandre leur venin, sans qu’il s’en aperçoive*, dans la plupart de ses mouvements. La seconde difficulté que l’on vous a faite, et qui a beaucoup de rapport à la première, est que les Réflexions passent dans le monde pour des subtilités d^un censeur qui prend en mamaisc part les actions les plus indifférentes ^, plutôt que pour des vérités solides. Vous me dites que quelques-uns de vos amis vous ont assuré de bonne foi qu’ils savoient, par leur propre expérience, que l’on fait quelquefois le bien sans avoir d’autre vue que celle du bien, et souvent même sans en avoir aucune, ni pour le bien, ni pour le mal, mais par une droiture naturelle du cœur qui le porle^,sans y penser, vers ce qui est bon. Je voudrols qu’il me fût permis de croire ces gens-là sur leur parole, et qu’il fût vrai que la nature humaine n’eût que des mouvements raisonnables, et que toutes nos actions fussent naturel- lement vertueuses’; mais, Monsieur, comment accorderons-nous le témoignage de vos amis avec les sentiments des mêmes ® Pères de l’Eglise, qui ont assuré que toutes nos vertus, sans le secours de la foi^

. (Poteram respondere quod Epicuriis ait :) sapientem, si in Phalaridis tauro 

peruratur^ exclamaturunt : << Dulce est, et ad me nihil attinel. » « (/e pourrais répondre ce que dit Epicure : ) Le sage, s’il est brûlé daus le taureau de Phala- ris, s’écriera : « Je suis bien, cela ne me touche point. » (Sénèque, épitre lxvi.) — On lit à la marge, dans les éditions de i665 et de 1695, cette exclamation d’Epicure, et à la suite : Epie, apud Senec. Dans son édition, Duplessis a cru à tort que la première abré^ation signifiait Epictète. . « .... qu’il parle, et non pas de V homme éclairé par les lumières du chris- tianisme, et soutenu de la grâce de Dieu; il fait voir que, malgré les efforts de la raison » [Edition de iGgS.) — Rapprochez de la Préface de la 5’ édi- tion, ci-dessus, p. 3o. . <c dans les replis du cœur humain. » {^Edition de lÔgS.) . Le texte de 169’i n’a pas cette incise. . L’édition de 1693 termine la phrase à indifférentes. . a .... qui se porte, » dans l’impression de i665 C. . « .... sur leiu- ]>arole, qu’il fût vrai que la nature humaine eut par elle- même des mouvements parfaits, et que toutes nos inclinations fussent natu- rellement vertueuses. » [Edition de i6ci3.) . L’édition de 1693 supprime ici le mot mêmes, et le met ensuite après vertus : a ejue toutes nos venus mcme. »