Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t1, 1868.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xl
NOTICE BIOGRAPHIQUE

on ne donnera plus de gouvernements ni de charges sans l’approbation de Condé, de son frère Conty, de M. et de Mme  de Longueville, et qu’on rendra compte à Monsieur le Prince de toute l’administration des finances. Par ricochet, Marcillac est pris au même piège : on affecte de le traiter comme un homme à craindre et à ménager[1] ; on lui accorde, sur les instances de Condé, les honneurs du Louvre ; mais on a soin de susciter en même temps une assemblée de la noblesse pour réclamer contre cette faveur et en imposer la révocation à la cour[2].

Ce désappointement fut cruel au protégé de Monsieur le Prince et à Monsieur le Prince lui-même, chez qui la méfiance reprit le dessus. Excité par Mme  de Longueville, Condé retire tout à coup la parole qu’il avait donnée de consentir au mariage du duc de Mercœur avec une nièce de Mazarin. Ce fut le tour du Cardinal d’être irrité et désappointé : dès ce jour, l’arrestation et l’emprisonnement de Condé furent résolus dans son esprit, et c’est alors, comme dit la Rochefoucauld, qu’il « se surpassa lui-même[3]. » Tous les incidents ultérieurs, le coup de pistolet de Joli, l’attaque contre le carrosse de Monsieur le Prince[4], sont autant de machinations ourdies par le Cardinal afin de brouiller irrévocablement Condé avec les Frondeurs, et de l’amener à se livrer lui-même. Quand la rupture est complète, le vainqueur de Rocroy, son frère Conty et le duc de Longueville sont arrêtés au Palais-Royal, dans l’appartement de la Reine, et, le même jour, ils sont conduits à Vincennes[5]. On voulait arrêter en même temps Marcillac[6] et

  1. « II… fut traité comme un homme que la Reine avoit lieu de craindre, et qu’il falloit ménager. » (Mémoires de Mme  de Moiteville, tome II, p. 443.)
  2. Voyez l’Histoire de France pendant la minorité de Louis XIV, par M. Chéruel, tome III, p. 309 et suivantes, et, à l’Appendice du même volume, p. 419-421, un « Extrait du Journal de Dubuisson-Aubenay sur l’opposition de la noblesse aux honneurs accordés à quelques familles (octobre 1649). »
  3. Mémoires, p. 156.
  4. Ibidem.
  5. Ibidem, p. 170.
  6. Ce dessein d’arrestation est ainsi noté dans les Carnets de Mazarin (n°xiv, p. 116) : « Faire fermer les portes du palais et