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SUR LA ROCHEFOUCAULD

La maison de la Tour n’est pas moins obéissante ; le duc de Bouillon est mort ; son cadet, Turenne, ne songe plus qu’à battre les ennemis du Roi, qu’à rivaliser de gloire militaire avec Condé.

Ainsi tous ces Frondeurs, repentis, résignés, ont commencé une vie nouvelle. Les équipées d’autrefois, on s’efforce de les oublier : « c’est, dit encore en parlant de Mademoiselle l’auteur des Portraits de la cour, une faute de jeunesse, à laquelle il n’y a plus de remède[1]. »

La Rochefoucauld, plus que nul autre, a rompu avec le passé ; il aura désormais « cette morale des honnêtes gens, » qu’il n’avait pas eue jusque-là[2] ; à l’écart des brigues comme des honneurs, il va rentrer dans sa vraie nature. Cette seconde partie de sa vie, pour être paisible, ne sera point vide ; tout intime et toute retirée, elle justifiera ce mot d’un personnage du Grand Cyrus[3], que « rien n’occupe davantage qu’une longue oisiveté. »

III

À l’époque où le duc prenait sa retraite forcée des intrigues, la littérature n’était pas moins changée que le reste ; Corneille, Descartes, Pascal avaient rempli la première moitié du dix-septième siècle ; l’auteur du Cid, après la Fronde, est sur son déclin[4] ; Descartes est mort, en Suède, depuis douze années ; quant à Pascal, il s’éteint, en 1662, à Port-Royal, où il s’était retiré dès 1654. La seconde période littéraire du siècle est ouverte : Bossuet a commencé de prêcher devant Louis XIV (1662), dans la chapelle du Louvre ; il a prononcé,

  1. Comparez les Mémoires du marquis de la Fare, p. 151. — La Rochefoucauld semble avoir exprimé toute la philosophie de ce renoncement dans sa 19e réflexion diverse : De la retraite : voyez ci-après, p. 345.
  2. Sainte-Beuve, Port-Royal, tome III, p. 275.
  3. Tome X, livre II, édition de 1653, p. 675.
  4. On sait que le Cid est de 1636, Héraclius de 1647 ; entre ces deux dates se placent Horca, Cinna, Polyeucte (1639, 1640), puis Pompée, le Menteur, Rodogune (1641-1645).