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NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE

au fond de cette plaisante maison dont nous avons parlé. Ce n’était pas là un cénacle avant tout aristocratique, avec grande vue sur le dehors, comme l’ancien hôtel de Ramhouillet ; on vivait surtout pour soi dans cette compagnie où assidûment Mme de Sévigné apportait sa charmante et féconde vivacité, Mme de la Fayette sa douceur attentive et sa raison un peu sentencieuse, Segrais sa gracieuse rectitude d’esprit, Mme de Thianges sa beauté. Parfois le cercle s’élargissait : Corneille, Boileau, la Fontaine, Molière venaient s’y joindre. Tantôt c’était l’auteur du Cid qui lisait chez la Rochefoucauld sa tragédie de Pulchérie[1] ; tantôt c’était Molière qui y donnait lecture de sa comédie des Femmes savantes[2], avant de lui faire affronter la scène du Palais-Royal.

Ainsi les auteurs les plus célèbres prisaient fort l’approbation de la Rochefoucauld. Il était devenu comme un oracle du bon goût ; il suggérait des sujets d’apologue à la Fontaine, qui lui dédiait deux de ses fables les plus jolies[3]. En de certains jours, le petit cénacle dînait chez l’évêque du Mans, M. de Beaumanoir, ou chez la bonne marquise d’Huxelles, ou chez Mme de Lavardin, où Mme de Sévigné lisait les lettres de Mme de Grignan sa fille, qui avait inspiré à la Rochefoucauld une affection véritable. D’autres fois on allait à la comédie, ou s’amuser, à la foire, des exhibitions curieuses[4] ; ou bien on se rencontrait, on se rendait ensemble à Saint-Maur, dans cette jolie maison du prince de Condé, où nous savons que Boileau lut son Art poétique[5] ; l’industrieux Gourville, qui, depuis 1669, appartenait aux Coudés[6], y faisait, au besoin,

  1. Mme de Sévigné, tome II, p. 470, lettre du 15 janvier 1672.
  2. Ibidem, p. 515, lettre du 1er mars 1672.
  3. L’Homme et son image ; les Lapins : voyez ci-après, p. 399 et 400.
  4. Mme de Sévigné, lettre du 13 mars 1671, tome II, p. 104. — Sur l’affection de la Rochefoucauld pour Mme de Grignan, l’intérêt qu’il semblait lui porter, voyez particulièrement les lettres du 1er, du 17 et du 22 avril 1671, tome II, p. 137, p. 175 et p. 180 ; et celles du 16 mai 1672, tome III, p. 73 et 74 ; du 6 novembre 1673, ibidem, p. 264 ; et du 26 mars 1680, tome VI, p. 328.
  5. Lettre du 15 décembre 1673, tome III, p. 315 et 316.
  6. Voyez les Mémoires de Gourville, p. 402 et 403.