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SUR LA ROCHEFOUCAULD

« avec un coup de baguette… sortir de terre » d’admirables soupers[1].

À Saint-Maur se rattachent quelques pages des Mémoires de Gourville[2], vraiment plaisantes à lire, et où revient plusieurs fois le nom de notre duc. Ce sont celles où il raconte ses démêlés avec Mme de la Fayette, dont nous avons dit un mot ci-dessus[3]. Ayant obtenu de Monsieur le Prince la capitainerie de Saint-Maur, où celui-ci n’allait plus jamais, Gourville se préparait à l’accommoder. À ce moment, nous raconte-t-il, ce Mme de la Fayette, après avoir été s’y promener, me demanda d’y aller passer quelques jours pour prendre l’air. Elle se logea dans le seul appartement qu’il y avoit alors, et s’y trouva si à son aise, qu’elle se proposoit déjà d’en faire sa maison de campagne. De l’autre côté de la maison, il y avoit deux ou trois chambres… ; elle trouva que j’en avois assez d’une quand j’y voiidrois aller, et destina, comme de raison, la plus propre pour M. de la Rochefoucauld, qu’elle souhaitoit qui y allât souvent. » Bref, elle fit à Saint-Maur un établissement si complet, y disposant à son gré des meubles, et y recevant société nombreuse, que Gourville, piqué, crut lui devoir rappeler, à la fin, que c’était à lui, non à elle, qu’on donnait la capitainerie. « Elle ne me l’a jamais pardonné, ajoute-t-il, et ne manqua pas de faire trouver cela mauvais à M. de la Rochefoucauld. Mais comme il lui convenoit que nous ne parussions pas brouillés ensemble, elle étoit bien aise que j’allasse presque tous les jours passer la soirée chez elle avec M. de la Rochefoucauld. »

À partir de 1671, époque où Segrais quitte le service de Mademoiselle et le Luxembourg, pour aller demeurer chez Mme de la Fayette, la liaison du duc et de la comtesse se resserre encore et devient, à proprement dire, une vie à deux, Mme de la Fayette n’a plus qu’une pensée, achever de reformer le cœur de la Rochefoucauld[4], le faire revenir de ses

  1. Lettre du 8 juillet 1672, tome III, p. 140 et 141 ; et lettre du 15 octobre 1676, tome V, p. 102.
  2. Pages 454-457.
  3. Page lxxvii, note 2.
  4. On lit dans le Segraisiana (p. 28) : « Mme de la Fayette disoit de M, de la Rochefoucauld : « Il m’a donné de l’esprit, mais j’ai « reformé son cœur. » Et ailleurs (p. 100 et 101) : « Il donna de