cette langue exquise, pleine de justesse et de mesure ? Assurément il y a là bien des traces de son expérience personnelle et, dans tout ce travail en commun, un véritable unisson d’âmes et d’intelligences. « Il est touchant de penser, dit le plus pénétrant des critiques[1], dans quelle situation particulière naquirent ces êtres si charmants, si purs, ces personnages nobles et sans tache, ces sentiments si frais, si accomplis, si tendres ; comme Mme de la Fayette mit là tout ce que son âme aimante et poétique tenait en réserve de premiers rêves toujours chéris, et comme M. de la Rochefoucauld se plut sans doute à retrouver dans M. de Nemours cette fleur brillante de chevalerie dont il avait trop mésusé, et, en quelque sorte, un miroir embelli où recommençait sa jeunesse. Ainsi ces deux amis vieillis remontaient par l’imagination à cette première beauté de l’âge où ils ne s’étaient pas connus et où ils n’avaient pu s’aimer. »
Malgré tout, la fin de leur vie devait être triste : la Rochefoucauld souffrait cruellement de la goutte, dont il avait ressenti la première atteinte, à trente-neuf ans, dans son fameux voyage d’Agen à Paris[2], et, à partir de 1671, Mme de la Fayette, elle aussi, ne cessa d’être malade. Dès le mois d’octobre 1669, Gourville, portant à Verteuil la nouvelle de la mort de Mme la princesse de Marcillac, trouva, nous dit-il[3], « que M. de la Rochefoucauld ne marchoit plus ; les eaux de Barèges l’avoient mis en cet état. » Mais ce sont surtout les
lettres de Mme de Sévigné qui nous permettent de suivre les
phases et progrès du mal chez le duc. En mars 1671, elle
nous le montre « criant les hauts cris… au point que toute sa
constance étoit vaincue, sans qu’il en restât un seul brin, » et
souhaitant « la mort comme le coup de grâce[4]. » Quinze jours
après, la Rochefoucauld est dans son hôtel, « n’ayant plus
d’espérance de marcher. Son château en Espagne, c’est de se