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SUR LA ROCHEFOUCAULD

On comprend qu’après cela, malgré ses succès de salon et ses succès littéraires, auxquels il était également sensible, malgré l’amitié caressante de Mme  de la Fayette et de Mme  de Sévigné, la mélancolie de la Rochefoucauld, si rudement atteint dans son corps et dans son âme, n’ait fait que s’accroître dans les dernières années de sa vie. Il y a deux choses dont il nous parle dans ses Maximes avec une persistance significative : l’ennui, auquel il ne trouvait de remède que dans son extrémité même[1], et cette indolence, qu’il appelle la paresse, et qui, telle qu’il la définit, n’est autre que le découragement[2]. Dès le mois d’août 1671, il avait cédé sa duché-pairie à son fils aîné, « politique et complaisant[3], » partant fort bien en cour, pourvu d’une bonne pension, puis, plus tard successivement, avant la mort de son père, du gouvernement du Berri, à la place de Lauzun (décembre 1671), de la charge de grand maître de la garde-robe[4] (octobre 1672), et enfin de celle de


    gouvernement de Normandie. Mademoiselle (ibiaem, p. 399) dit qu’il avait « un air fort méprisant. » La vérité est qu’il parlait peu, et avec beaucoup d’esprit, comme son père. Comme son père aussi, son père naturel bien entendu, il était fort aimé des dames : Mme  de Thianges, Mme  de Brissac, la marquise d’Huxelles et autres, qui voulaient l’accompagner en Pologne, et qui, à sa mort, portèrent le deuil. Il y eut, dit Mme  de Sévigné (tome III, p. 142), « un nombre infini de pleureuses. » Ce duc de Longueville laissait de Mlle  de la Ferté un fils naturel, le chevalier de Longueville, tué plus tard à Philipsbourg (1688) par un soldat qui tirait une bécassine. — La douleur de Mme  de Longueville ne fut pas moins vive que celle de la Rochefoucauld ; c’était à faire fendre le cœur, dit Mme  de Sévigné (20 juin 1672, tome III, p. 113-115), et elle ajoute : « J’ai dans la tête que s’ils s’étoient rencontrés tons deux dans ces premiers moments, et qu’il n’y eût eu que le chat avec eux, je crois que tous les autres sentiments auroient fait place à des cris et à des larmes, qu’on auroit redoublés de bon cœur : c’est une vision. »

  1. Maxime 532.
  2. Voyez les maximes auxquelles renvoie la Table du tome I, aux articles Ennui et Paresse.
  3. Mot de Louis XIV lui-même, en 1682 (Portefeuilles de Vallant, tome VIII, fol. 364).
  4. C’est en lui donnant cette charge, en 167a, que le Roi avait écrit au prince de Marcillac ce billet qui parut à tous alors une