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Page:La Rochefoucauld - Le Premier Texte de La Rochefoucauld, éd. Marescot, 1869.djvu/17

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et dans les cabarets, à la Pomme de Pin ou ailleurs, les sommités littéraires les plus brillantes aimaient à se retrouver le verre en main. À la Cour ou sous les tonnelles, au théâtre ou dans les galeries, la littérature faisait le plus souvent les frais de la conversation : de là cette fièvre d’écrire au sein de la société et ce besoin d’apprécier, de commenter, de disséquer le livre nouveau ou le manuscrit en vogue.

Celui des Maximes, avant que de paraître, passa de mains en mains et donna lieu à un échange de lettres sans fin, pleines d’appréciations, de louanges, d’amères récriminations, de blâmes de toute nature[1]. Cette façon de déflorer un livre pendant son enfantement même était très-reçue et, de plus, recommandée[2], témoin ce qu’en dit Segrais : « Ceux qui composent pour le public doivent communiquer leurs ouvrages à des amis capables d’en juger et les corriger avant que de les publier : c’est la manière dont en ont usé tous ceux qui aspirent à la perfection… Monsieur de La Rochefoucault l’a pratiqué ainsi à l’égard de ses Mémoires et de ses Maximes, ouvrages écrits avec tant de justesse. Il m’envoyoit ce qu’il

  1. Voir le premier volume de l’édition Gilbert, pages 371 à 399.
  2. « L’on devroit aimer à lire ses ouvrages à ceux qui en sçavent assez pour les corriger et les estimer. » (La Bruyère Ier texte (1688), ed. Jouaust, page 94.) Voir aussi, dans notre éd. des Satires de Boileau (Académie des Bibliophiles), la préface de l’éd. de 1701, page 7, lignes 20 et suivantes.