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Sur ces mots Fridthjof entra et vit qu’il se trouvait peu de monde dans la salle des Dises. Les rois se livraient aux sacrifices et étaient occupés à boire. Sur le sol il y avait un feu et, auprès de ce feu, leurs femmes étaient assises et chauffaient les dieux ; d’autres les enduisaient de graisse et les essuyaient avec des draps[1].

Fridthjof s’approcha du roi Helgi et dit : « Maintenant tu voudrais sans doute avoir le tribut ». Il agita dans l’air la bourse[2] qui contenait l’argent et la lui lança au nez de telle façon qu’elle lui enfonça deux dents ; le roi tomba sans connaissance du haut de son siège[3]. Halfdan tendit les mains vers lui pour l’empêcher de tomber dans le feu. Alors Fridthjof dit cette strophe :

25. « Prends avec le tribut,
prince des hommes,

  1. La description de ces opérations ne se retrouve dans aucun autre document de l’époque. Il est permis néanmoins de les admettre comme réelles, sur la foi de S. Bugge qui s’exprime à ce sujet : « Ved religiose feste i denne Sal blev Gudebillederne af Kvinder indsmurte, varmede ved Ilden og torede met Duge ». (Studier over de nordiske Gude-og Heltesagns Oprindelse. 2. Udg. 1896).
  2. La bourse (isl. belgr) était généralement faite d’une peau de bête (belgr, got. balgs, all. Balg).
  3. La place d’honneur (öndvegi ; chez les princes hásaeti, deux termes souvent employés, du reste, l’un pour l’autre, comme stofa et höll) occupée par le maître de la maison pendant les repas et les festins était élevée de quelques degrés au-dessus des autres sièges. Le procédé peu aimable dont Fridthjof use à l’égard du roi, suivi d’un résultat semblable, se retrouve dans d’autres sagas de la même époque. Fridthjof, une fois de plus, se montre dans toute son insolente forfanterie ; il se moque autant de la royauté que de la religion ; il insulte à la dignité du roi Helgi avec la même arrogance qu’il a mise à déshonorer le culte de Baldr. Ce passage rappelle le vers de Schiller : « Und wirft ihr den Handschuh ins Gesicht… »