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Or, il arriva que le roi et Fridthjof se trouvèrent l’un près de l’autre, isolés dans la forêt, loin des autres personnes. Le roi dit qu’il avait sommeil et qu’il se proposait de dormir.

Thjof répondit : « Retournez à la maison, seigneur ; car c’est plus convenable pour un haut personnage, plutôt que de coucher en plein air ».

« Je n’en ferai rien », dit le roi. Ensuite il s’étendit par terre, s’endormit profondément et ronfla fort.

Thjof était assis à côté de lui ; il lira l’épée du fourreau[1] et la jeta au loin. Peu après le roi se redressa et dit : « N’est-il pas vrai, Fridthjof, que maintes idées se sont présentées à ton esprit et que tu en as décidé raisonnable-

  1. Le fourreau était de cuir ; chez les riches, il était orné à la pointe et au bord supérieur d’une garniture d’or ou d’argent et même de pierres précieuses. Quant à l’épée, elle formait, avec la lance et le bouclier, la troisième partie principale de l’armement du guerrier. Elle resta toujours l’arme noble et loyale par excellence, jusqu’à l’invention de la poudre. Les Scandinaves, dans leur langage imagé la représentaient comme douée de vie, sortant du fourreau comme le serpent sort de son nid pour enfoncer ses dents acérées dans l’ennemi ; ils la comparaient aussi à la flamme qui dévore. Une épée brisée était une épée morte. Plusieurs héros dont parlent les sagas et les chants du Nord en possédaient qui accomplissaient de véritables miracles, pénétrant dans le fer, l’acier et la pierre et du premier coup pourfendant un homme ; aussitôt hors du fourreau, elles avaient soif de sang. Beaucoup d’épées appartenant à des personnages illustres avaient leur nom et passaient comme un objet précieux, comme un joyau de famille, d’une génération à l’autre. Voici quelques-uns de ces noms caractéristiques : l’épée Dainsleif de Hagen (Högni, dans l’Edda de Snorri), père de Gudrun, la fameuse épée Tyrfing de Svafrlami (Hervarar s.) et d’Angantyr (Örvar-Odds s.), l’épée Dragvendil du scalde Egil Skallagrimsson (Egils s.), l’épée Sköfnung du roi légendaire de Danemark Hrólf Kraki (Laxdoela s.), la magnifique épée Grásida de l’esclave Kol (Gisla s.), l’épée Ättartangi que Jökul hérita de son père Hrolleif