Page:La Saga de Fridthjof le Fort, trad. Wagner, 1904.djvu/136

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de la reproduction, sous un aspect nouveau, d’un grand nombre des sujets que les légendes et les sagas avaient popularisés dans le Nord. Les scaldes scandinaves, versificateurs ingénieux et infatigables, entreprirent une sorte de répétition ou plutôt de paraphrase des anciens récits populaires et des romans de chevalerie ; ils remirent sur le métier la vieille matière et, en en modifiant profondément la trame et les contours, créèrent, d’après un modèle déterminé, la poésie des rímur. Ce fut le sort que subit entre autres la saga de Fridthjof, et cette particularité nous amène à caractériser en traits rapides l’origine, la nature, la valeur et l’intérêt de ces poésies post-classiques qui virent le jour à partir du xve siècle et jouirent jusqu’au xviiie siècle d’une estime et d’une vogue exceptionnelles.

Ríma (plur. rímur) est le féminin de rím (n.) qui désigne la rime à la fin du vers. Or, l’ancienne poésie islandaise ne connaît guère que l’assonance et l’allitération. Le mot, par sa dérivation même, révèle l’origine étrangère de cette nouvelle création des scaldes : c’est la poésie à rimes finales. Les rímur, en effet, remontent directement aux hymnes latines que l’on chantait, à partir du xiiie siècle, devant un immense auditoire de pèlerins, aux jours consacrés à la mémoire des saints évêques d’Islande. À cette poésie latine du moyen âge les poètes de la nouvelle école empruntèrent le rythme, la structure des strophes, la rime finale et, combinant ces éléments exotiques avec la métrique de la vieille poésie norraine, inventèrent la forme poétique spéciale des rímur. Les premières rímur, composées sur le modèle et conçues dans le ton, l’inspiration, l’esprit religieux des hymnes latines, étaient, comme celles-ci, chantées avec accompagnement de musique. La mélodie se répandit dans le