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les frères, qu’il ne lui manquait que la dignité royale[1]. Pour cette raison ceux-ci lui vouèrent de la haine et de l’inimitié ; ils supportaient mal qu’on le proclamât supérieur à eux-mêmes. D’autre part, ils croyaient remarquer que Ingibjörg, leur sœur, et Fridthjof éprouvaient de la sympathie l’un pour l’autre.

Le jour arriva où les rois furent conviés à un festin chez Fridthjof à Framnes. Celui-ci, selon son habitude, régala tous ses invités mieux qu’ils ne le méritaient. Ingibjörg y était aussi et s’entretint longuement avec Fridthjof. La fille du roi lui dit : « Tu as un superbe anneau d’or ». « C’est vrai », répondit Fridthjof[2]. Ensuite les frères retournèrent chez eux et plus grande encore devint leur jalousie contre Fridthjof.

    joyaux de famille, trophées de victoire ou souvenirs précieux — comme certains vêtements ou armes de luxe — de la faveur ou de la libéralité de quelque roi ou prince, et on se les transmettait avec fierté d’une génération à l’autre. Le mot gullhringr désigne sans doute un bracelet ; une bague s’appelait fingrgull. On se servait de ces parures en guise de monnaie dont la valeur était estimée au poids ; pour rendre les échanges possibles, il fallait fréquemment les couper en morceaux, ainsi que fait Fridthjof (ch. VI) avec la bague que lui avait donnée Ingibjörg et dont il distribue les morceaux à ses compagnons d’infortune. Il est à supposer que ces bagues et ces anneaux étaient tournés en spirale, afin qu’on pût en détacher des parties sans inconvénient. La saga de Thorstein, les rímur (I, 37), ainsi que Tegnér (III, 57) mentionnent comme troisième legs l’épée Angrvadil.

  1. W. Leo (Die Sage von Fr. d. Verweg, p. 8) rapproche fort justement ces paroles de celles de Cornélius Nepos disant à propos du vainqueur de Marathon : « Fuit inter eos dignitate regia, quamvis carebat nomine ». (Vita Miltiadis II).
  2. Paroles insignifiantes, surtout quand on considère qu’ils parlèrent longtemps ensemble. Dans une autre rédaction de la saga l’échange des bagues, dont il est question au ch. IV, a lieu dès maintenant et le dialogue entre Ingibjörg et Fridthjof se poursuit d’une manière plus agréable et plus naturelle.