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un langage bien présomptueux que de supposer que nous la donnerions à un homme de condition inégale[1] ; aussi, nous nous y opposons absolument[2] ». Fridthjof reprit : « Dans ce cas l’affaire est vite terminée ; mais je prendrai ma revanche, et à l’avenir je ne vous accorderai jamais aucun secours, si nécessaire qu’il vous soit ».

Ils déclarèrent que c’était là le moindre de leurs soucis. Là-dessus Fridthjof regagna sa demeure et retrouva sa bonne humeur d’autrefois.

  1. Fridthjof était un bóndi (v. ch. I, n. 11). Les rois Helgi et Halfdan, en l’appelant ólíginn madr, « homme de condition inférieure », ne paraissent pas lui reconnaître la dignité de hersir (gouverneur d’un herad ou district. V. ch. VIII, n. 11) qu’avait possédée son père Thorstein et qui était, il est vrai, exclusivement personnelle. Les mariages entre bondr et descendants de famille royale n’étaient pas rares.
  2. Pour formuler une demande en mariage, la coutume exigeait que l’on s’adressât au tuteur légal (giptingarmadr) auprès duquel le prétendant se rendait accompagné de parents et d’amis. Plus la troupe était nombreuse, plus il pouvait compter sur le succès de sa démarche. La jeune fille n’était guère libre dans le choix d’un époux ; elle devait, dans la plupart des cas, céder à des raisons politiques ou autres et abdiquer ses préférences devant la volonté paternelle. Les qualités physiques et intellectuelles, le rang social et la fortune décidaient souverainement en cette matière, et X. Marmier a pu dire avec raison : « Ce n’est pas d’aujourd’hui que les filles de rois se marient par convenance politique. Les princesses norvégiennes du temps de Fridthjof étaient comme les reines du xixe siècle ». Le mariage n’était pas uniquement, pour les anciens Normands, une affaire privée ; ils l’envisageaient surtout au point de vue de l’alliance entre deux familles, et les nombreuses et minutieuses formalités qui précédaient ou accompagnaient la cérémonie attestent l’importance qu’ils y attachaient.