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Fridthjof était assis jouant aux dés[1], lorsque Hilding se présenta : « Nos rois », dit celui-ci, « te font saluer et désirent obtenir ton assistance dans la guerre contre le roi Hring qui menace d’envahir leur royaume avec autant d’arrogance que d’injustice ».

Fridthjof ne leur répondit rien et dit à Björn, avec qui la partie était engagée : « Il y a là une brèche, frère ; mais ne cherche pas à y remédier. Je vais plutôt attaquer cette pièce rouge pour savoir si elle est couverte ».

Hilding reprit : « Le roi Helgi m’a chargé de te dire, Fridthjof, qu’il t’invite à prendre part à cette expédition, sinon un sort fâcheux t’attend le jour où les deux frères reviendront ».

Björn dit alors : « Tu as le choix entre deux alternatives, frère ; et il te reste deux manières de sauver la pièce ».

« Dans ce cas », répondit Fridthjof, « m’est avis d’attaquer d’abord le roi, et il n’y aura plus de difficultés quant au double choix ».

Hilding ne reçut pas d’autre réponse à son message. Il retourna aussitôt auprès des rois et leur rapporta les paroles de Fridthjof. Ceux-ci lui demandèrent quelle signification il attribuait à ce langage. « En parlant d’une brèche », dit Hilding, « il a pensé sans doute au vide que son absence laissera dans votre expédition ; et lorsqu’il se proposait d’attaquer la pièce rouge, il aura eu en vue

  1. Les sagas, de même que les découvertes archéologiques faites dans les tombes de l’âge de fer, témoignent de la faveur dont jouissait en Norvège et en Islande le jeu de dés. Les dieux mêmes en faisaient leurs délices (cf. Völuspa, str. 8 et 61). F. G. Nystrom (Fridtjófs saga, pp. 21-22) le considère comme une espèce de damier ou d’échiquier (all. Brettspiel ou Zabelspiel, du lat. tabula). Quant a y voir, selon Rafn et d’autres savants, des analogies avec notre jeu d’échecs, c’est une opinion qu’il convient de leur laisser pour