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abandonner à sa cause légère,
loin du rivage, l’animal de la mer[1] ».

Et quand ils arrivèrent au loin dans la haute mer, les flots se soulevèrent avec fureur une seconde fois ; un ouragan terrible éclata, accompagné de rafales de neige si épaisses que l’on ne pouvait voir de la proue à la poupe. Le bateau fut tellement assailli qu’il fallait sans cesse en tirer l’eau. Alors Fridthjof dit :

5. « On ne voit pas les gens[2]
à cause de ce temps ensorcelé ;
nous voilà échoués dans la mer impétueuse[3],
hommes illustres de ma troupe !
Les Solundar sont hors de vue,
et les dix-huit hommes, avec empressement,
s’occupent tous à puiser l’eau,
pour sauver Ellidi ».

« Quiconque voyage loin », dit Björn, « doit s’attendre à de semblables infortunes ».

« Cela est certain », frère, s’écria Fridthjof, et il dit :

6. « Helgi est la cause de ce que les vagues
à crinière de frimas[4] grossissent.
Il n’en est plus comme au jour où j’embrassais
la blanche fiancée au bois sacré de Baldr.

  1. En isl. lögdyr ; c’est-à-dire le bateau. Cf. lögfágr, « coursier de la mer » (Hymiskvida 25, 2). Lögr est un terme poétique pour désigner l’élément liquide.
  2. Nous ne nous voyons plus les uns les autres.
  3. En opposition avec le Sognfjord, où ils se trouvaient à l’abri derrière les Solundareyjar.
  4. Les vagues apparaissent ainsi comme les « coursiers de la mer ». Hrimfaxi, « crinière de frimas »  » est, dans la mythologie scandinave, le nom poétique du coursier qui porte la Nuit et qui avec l’écume de sa bouche arrose la terre chaque matin.