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« Il me semble », dit Fridthjof, « que nous pouvons nous attendre à voir encore quelques-uns de nos hommes s’en aller auprès de Rán[1]. Or, nous n'apparaitrons pas dans un état décent, si nous arrivons chez elle sans être largement pourvu de tout. Il me semble donc de bon conseil que chacun ait un peu d’or sur soi ». Là-dessus il coupa en morceaux le cadeau d’Ingibjörg[2], les distribua à ses compagnons et dit cette strophe :

14. « Je vais mettre en pièces cet anneau
avant qu’Egir[3] nous engloutisse,

  1. Voy. même chap., notes 25 et 26.
  2. En isl. Ingibjargarnautr, « ce qui a été la propriété d'Ingibjörg ». (Nautr dérive de njóta, « jouir », posséder »). Il arrive très souvent que des objets précieux, des cadeaux sont, comme ici, désignés du nom de leur ancien possesseur. Cf. Fridthjófsnautr au ch. VIII (la bague qui avait appartenu à Fr.), Dans la saga de Gunnlaug on trouve Adalradsnautr (fépée reçue du roi Ethelred), Gunnlaugsnautr, konungsnautr ; dans la Völsungas., Andvaranautr (la bague du nain Andvari) ; dans la Laxdaelas., Hákonarnautr (le bracelet d’or du roi H.), et Myrkjartansnautr (l’épée du roi M.) ; dans la saga d’Örvar Odd, Gusisnautar (trois flèches magiques ayant appartenu à Gusir), Hálfdanarnautr (un bateau), Sólanautr (id.) ; dans la saga de Nial, Thjófsnautr ; dans la sagi d’Asmund, tueur de guerriers (A. Kappabana s.), Budlanautr (l’épée de Budli) ; dans la Hrólfssaga Gautrekssonar, Rísanautr (l’épée de R.) etc. etc.
  3. Aegir est en réalité un nom de la mythologie scandinave. La poésie du Nord abonde en mythes relatifs aux esprits et divinités de l’eau. À leur tête se trouve le géant Egir, qui marque le trait d’union entre les deux groupes de dieux subalternes, dont les uns portent nettement la physionomie de héros. Il est la personnification de la mer agitée, turbulente, furieuse. Egir et sa famille ne sont pas comptés au nombre des ases ; mais ils apparaissent néanmoins comme des êtres puissants dont les dieux mêmes recherchent l’amitié et avec lesquels ils entretiennent des relations intimes. Aegir est l’anglo-saxon eagor (la mer). Cf. got. ahwa (eau). Dans