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Dictionnaire du Nouveau Testament


Providence dans l’ordre moral, et isolaient de Dieu l’homme, laissé sur la terre sans aucun secours divin, sans une destinée supérieure, ils niaient l’existence d’êtres spirituels, tels que les anges ; quant à l’âme humaine, ils ne la regardaient pas comme essentiellement distincte du corps, comme ayant une existence propre ; formée d’une matière plus subtile, elle s’éteignait avec la vie présente : par conséquent, pas de vie future, pas de récompense ou de châtiment après la mort, pas de résurrection des corps. Ils admettaient cependant une révélation extraordinaire de Dieu, car les livres de l’Ancien Testament étaient pour eux, comme pour tous les Juifs, des Ecritures sacrées ; mais ils rejetaient la tradition si respectée des Pharisiens.

Des hommes qui limitaient l’existence humaine à la vie présente, devaient en rechercher sans scrupule toutes les jouissances et tous les plaisirs ; et, comme ils n’admettaient pas l’élément traditionnel, ils faisaient fort peu de cas d’une foule de rites et d’observances ; des prêtres (un grand nombre appartenaient à cette secte) donnaient jusque dans le temple le scandale de cette négligence. Josèphe nous apprend encore que les Sadducéens aimaient à disputer et à contredire, et se montrer dans le commerce de la vie, et spécialement dans les fonctions de juges, durs et impitoyables. Bien moins nombreuse et moins considérée que celle des Pharisiens, cette secte comptait des partisans surtout parmi les riches et les principaux de la nation, ce qui explique son influence dans le Sanhédrin et l’élévation de quelques-uns de ses membres au souverain pontificat. Ces matérialistes et ces épicuriens n’hésitèrent pas à se joindre aux Pharisiens, leurs adversaires, pour combattre le Sauveur et le christianisme naissant.

SAMARIE : voy. Palestine.

SAMARITAINS. — Lorsque Salmanasar, roi d’Assyrie, eut détruit Samarie (en l’an 721 av. J.-C.) et emmené en captivité la plus grande partie des habitants du royaume d’Israël, il se préoccupa de repeupler cette contrée. A cette fin il envoya de cinq provinces de son empire, surtout de la région de Cutha, des esclaves païens qui se mêlèrent avec le petit nombre d’Israélites restés dans leur patrie (II Rois, xvii, 24). C’est de ce mélange que descendaient les Samaritains ou habitants du pays de Samarie. Quoique formant un peuple à demi païen, ils prétendaient néanmoins, par un sentiment d’orgueil national, descendre de Jacob (voy. Josèphe, Ant. IX, xiv, 3 ; XI, iii, 6). Ils faisaient profession de la loi et de la religion mosaïque, au moins dans quelques-unes de ses croyances et doses pratiques essentielles, mais en même temps ils honoraient les dieux étrangers. De même ils avaient conservé les cinq livres de Moïse, mais ils rejetaient le reste de la Bible. A cause de leur origine impure et de leurs erreurs religieuses, les Juifs, au retour de la captivité babylonienne, refusèrent de les reconnaître comme faisant partie du peuple de Dieu. Dès lors une profonde antipathie divisa les deux peuples. L’érection sur le mont Garizim d’un temple rival de celui de Jérusalem, mit le comble à la haine des Juifs. Vainement ce temple sacrilège fut détruit par Jean Hyrcan (129 avant J.-C.), les Samaritains n’en continuèrent pas moins d’adorer en ce lieu et de regarder cette colline comme la plus sainte du monde. Aussi les Juifs évitaient-ils comme une souillure tout commerce avec eux. Une bouchée mangée avec un Samaritain rendait aussi coupable que si l’on eût mangé de la chair de porc. Ils ne pouvaient, sans crime, en recevoir aucun service, même un verre d’eau. Mais ils lui prêtaient sans scrupule à gros intérêts, car ils ne le regardaient pas comme un frère envers qui ils dussent accomplir le précepte du Deutéronome (xxiii, 20): ce qui contraste singulièrement avec l’exemple du bon Samaritain. Les Samaritains, de leur côté, ne traitaient pas mieux les Juifs. Ils refusaient l’hospitalité aux pèlerins qui, du nord de la Palestine, se rendaient au temple de Jérusalem. Il suffisait, pour être mal accueilli d’eux, d’avoir, selon l’expression de l’Evangéliste, la face tournée du côté de la ville sainte (Luc, ix, 53). Ils leur tendaient même quelquefois des embûches, de sorte que la route de la Samarie n’était rien moins que sûre, et que, si l’on voulait aller en sécurité de la Galilée à la cité de David, il fallait passer à l’est du Jourdain.

La conduite de Jésus envers les Samaritains est tout à fait remarquable. Ces victimes de la haine des Juifs lui ont servi à se montrer à nous sous ses traits les plus aimables et les plus divins. Jamais nous n’entendons sortir de ses lèvres un seul mot contre eux. Lorsque Jacques et Jean voulurent faire tomber le feu du ciel sur un village samaritain, qui, selon l’usage, avait refusé de donner l’hospitalité à des pèlerins se rendant à Jérusalem, Jésus, loin de se plaindre avec eux, leur dit ces paroles qui retentiront dans son Église jusqu’à la fin des temps (Luc, ix, 52 sv.) : “ Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes : le Fils de l’homme n’est pas venu pour perdre les âmes, mais pour les sauver. ” C’est le même accent qui se fait entendre dans l’admirible discours du Maître à la Samaritaine, discours qui devient plus beau encore, s’il est possible, quand on a présent à l’esprit ce que nous venons de rapporter sur la très vive animosité qui divisait les deux races. On soupçonne que S. Matthieu, qui écrivait spécialement pour les Juifs, a

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