Page:La Société nouvelle, année 12, tome 1, 1896.djvu/176

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son jour certain la lumière équivoque des soleils divins ; enfin dans l’alliance généreuse et féconde que la partie la plus vivante et la plus intelligente de votre jeunesse a conclue avec le prolétariat italien, sur l’unique base de la justice et de la solidarité humaines. Mazzini nous a attaqués dans tout ce qui nous est cher et sacré et a voulu nous imposer des idées et des institutions que nous détestons du fond de nos cœurs et de toute la force de nos convictions. Nous eussions été des lâches et des traîtres si nous ne l’avions combattu à outrance. Le profond sentiment de respect sympathique, de piété que nous n’avons jamais cessé d’éprouver pour le sublime et sincère rétrograde, nous avait rendu ce combat bien douloureux, bien pénible, mais il nous fut impossible de nous y soustraire sans trahir notre cause, la grande cause du triomphe final de l’humanité sur la divinité et sur la bestialité réunies en une seule action rétrograde — par l’émancipation économique et sociale du prolétariat.

Nouveau Josué, Mazzini s’était efforcé d’arrêter le cours du soleil. Il a succombé à la tâche. Sa grande âme fatiguée, torturée, vient enfin de trouver le repos que, vivante, elle ne connut jamais. Le grand patriote mystique, le dernier prophète de Dieu sur la terre, est mort, emportant dans sa tombe, avec la dernière religion, Dieu lui-même, qui cette fois, espérons-le, ne ressuscitera pas.

Le parti de Mazzini n’est pas de force à continuer sa propagande, désormais impossible et qui, ne trouvant aucune base vivante dans les instincts réels de la nation italienne, n’avait été soutenue que par la seule puissance de son génie rétrograde. Il reste au sein de ce parti des hommes très honorables sans doute : Saffi, Campanella et surtout le vieux Quadrio, le plus noble et le plus pur des hommes que j’ai rencontrés dans ma vie, un vieillard que j’adore et qui probablement me maudit,… quelques autres encore dont les noms me sont inconnus ; mais aucun ne sera de force à recueillir l’héritage de Mazzini, et la constitution tant théorique que pratique de ce parti, autoritaire, s’il en fut, est telle que pour exister il a besoin d’un maître. Le maître est disparu, donc il doit se dissoudre. Pas tout de suite. Au contraire, il est plus que probable que dans le premier moment, galvanisés par la catastrophe qui vient de les frapper, ils feront un effort suprême pour s’unir encore davantage ; mais cette première heure passée, comme il n’existe point de lien bien réel entre tous, et comme leur parti n’a poussé aucune racine dans la vie populaire, les mazziniens ne pourront manquer de se diviser en beaucoup de petites églises, qui, gouvernées par des chefs différents, deviendront autant de petits foyers d’intrigues politiques…[1] et

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