Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/628

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fait le seul objet de son désir ; ou enfin le désir raisonnable qu’a l’homme fort et pensant de devenir l’ami le plus intime de quelque belle et sage femme, le type vrai de la beauté et de la gloire que nous aimons tant, nous exultons dans tout le plaisir et l’exaltation d’esprit qui accompagnent ces choses, ainsi nous nous préparons aussi à supporter les peines qui souvent les accompagnent ; je me rappelle ces lignes d’un ancien poète (je dis de mémoire une des traductions du XIXe siècle) :


Les dieux ont fait les peines des hommes et les mauvais jours, Pour que les hommes puissent les conter et les chanter.


Bien, bien, il est peu probable que n’importe de quelle manière ces contes manquent, ou ces douleurs soient guéries.


Il était silencieux pour un temps, et je ne voulais pas l’interrompre. A la fin il recommença : « Mais vous devez savoir que notre génération est forte et saine de corps, et que nous vivons facilement ; nous passons notre existence dans une lutte raisonnable avec la nature, n’exerçant pas seulement un côté de nous-mêmes, mais tous les côtés, prenant le plus ardent plaisir à toute la vie du monde. Ainsi, c’est un point d’honneur chez nous de n’être pas concentrés en nous-mêmes, et de ne pas supposer que le monde doit finir parce qu’un homme est triste ; pour cela nous pensons que c’est folie, ou si vous voulez, criminel, d’exagérer ces questions de sentiment ou de sensibilité ; nous ne sommes pas plus enclins à éterniser nos peines sentimentales que de chérir nos peines corporelles ; et nous reconnaissons qu’il y a d’autres plaisirs que celui de faire l’amour. Vous devez vous rappeler aussi que nous vivons longtemps, et qu’à cause de cela, la beauté de l’homme et de la femme n’est pas si passagère qu’elle l’était dans les jours où nous étions chargés si lourdement des maux que nous nous étions infligés nous-mêmes. Ainsi nous secouons ces peines d’une manière que peut-être les sentimentalistes d’autres temps trouveraient méprisable et peu héroïque, mais que nous, nous croyons nécessaire et mâle. Quant à l’autre côté de la question, nous avons cessé d’être commercial dans nos affaires d’amour, et aussi nous avons cessé d’être artificiellement fou. La folie qui vient par la nature, par la non-intelligence de l’homme pas mûr, ou de l’homme plus âgé pris dans un piège ; nous devons la supporter et nous n’en sommes pas honteux ; mais être conventionnellement sensitif ou sentimental, mon ami, je suis vieux et peut-être désillusionné, mais je crois que nous avons supprimé quelques-unes des folies de l’ancien vieux monde ».


Il pensait, et semblait attendre quelques paroles de moi ; mais je restai silencieux ; alors il continua : « Après tout, si nous souffrons de la tyrannie