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LES ANDROGYNES

comme il arrive dans la maladie, les désastres de fortune ou la mort de ceux qu’on chérit. Son aventure était banale, presque méprisable, et, par cela seul, lui semblait plus difficile à supporter.

Et toute son enfance de petite campagnarde innocente et libre lui revint à la mémoire. Elle revit le sentier pierreux plein d’abeilles et de mûres, les pommiers trapus aux fruits verts qu’elle cueillait en cachette par les matins déjà brumeux de septembre. Elle revenait de ses maraudes avec ses jupes lourdes de châtaignes et de girolles, s’arrêtait, de-ci, de-là, pour cueillir des campanules ou des scabieuses, et s’endormait parfois sous une voûte de verdure haute, serrée, sombre, trouée de petites raies blanches, que le vent agitait sur sa tête comme une toile d’araignée lumineuse. Derrière quelques arbres plus frêles, elle apercevait, à gauche, des haies de sorbiers et d’aubépines étalant leurs grains de corail, et, à droite, le miroir glauque d’un étang où patinaient des insectes noirs. Une frayeur lui venait à la tombée du jour et elle reprenait sa route en courant, pour-