Page:La Vie littéraire, I.djvu/111

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taient du fond corrompu de sa cupidité ». Rien de plus moral, mais rien de moins élégant. Il n’écrit point pour des curieux ; il écrit contre les manichéens. Cela me fâche doublement, parce que je suis curieux et un peu manichéen. Mais, telles qu’elles sont, pleines de l’horreur de la chair et du dégoût de l’existence terrestre, les Confessions d’Augustin ont contribué plus que tous les autres livres de ce saint à le faire connaître et à le faire aimer à travers les siècles.

Quant à Rousseau, dont l’âme renferme tant de misères et de grandeurs, on ne peut lui reprocher de s’être confessé à demi. Il avoue ses fautes et celles des autres avec une merveilleuse facilité. La vérité ne lui coûte point à dire : il sait que, pour ignoble et vile qu’elle est, il la rendra touchante et belle : il a des secrets pour cela, les secrets du génie, qui, comme le feu, purifie tout. Pauvre grand Jean-Jacques ! Il a remué le monde. Il a dit aux mères : Nourrissez vos enfants, et les jeunes femmes sont devenues nourrices, et les peintres ont représenté les plus belles dames donnant le sein à un nourrisson. Il a dit aux hommes : Les hommes sont nés bons et heureux. La société les a rendus malheureux et méchants. Ils retrouveront le bonheur en retournant à la nature. Alors les reines se sont faites bergères, les ministres se sont faits philosophes, les législateurs ont proclamé les droits de l’homme, et le peuple, naturellement bon a massacré les prisonniers dans les prisons pendant trois jours. Mais, si Jean-Jacques a encore aujourd’hui