Page:La Vie littéraire, I.djvu/349

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turité. Cette tendance est frappante dans les historiens anciens, et particulièrement chez Tite-Live, qui fait parler les rudes pâtres du Latium comme des contemporains d’Auguste. Elle est plus frappante encore dans tout l’art du moyen âge, qui donnait aux rois de l’antique Juda la main de justice et la couronne fleurdelisée des rois de France. Avec Descartes, l’intelligence humaine franchit un abîme. Pourtant, la tragédie du dix-septième siècle, dans laquelle la connaissance de l’homme abstrait est parfaite, suppose, chez Racine lui-même, l’invariabilité des mœurs à travers les âges. Le dix-huitième siècle, bien qu’il s’inquiétât beaucoup des origines, se représentait volontiers Solon sous la figure de Turgot et Sémiramis dans le manteau royal de Catherine II. Il semble que l’image véritable du passé nous ait été révélée par la grande école historique de notre siècle. Il semble que le sens des origines soit un sens nouveau, ou du moins un sens nouvellement exercé chez l’homme. Je le crois, bien qu’il puisse y avoir là une part d’illusion. Les générations qui viendront après la nôtre diront peut-être que nous avions une vue de l’antiquité bien ridicule et bien démodée. Toutefois, il est certain que nous avons créé en quelques parties l’histoire comparée de l’humanité. De jeunes sciences, l’ethnographie, l’archéologie, la philologie y ont contribué pour une grande part. L’homme très ancien nous apparaît aujourd’hui avec une physionomie, avec un caractère qui pourrait bien être le