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la vie littéraire.

suppose la réflexion, et elle ne réfléchit pas. Elle laisse ses amis penser pour elle ; elle reçoit leurs idées toutes faites et elle aime mieux les répéter que de les comprendre. Sa seule fonction au monde est d’exprimer avec une magnificence incomparable le sentiment de la nature et les images de la passion.

La nature, elle la voit bien, puisqu’elle la voit belle. La nature n’est que ce qu’elle paraît : elle n’est en soi ni belle ni laide. C’est l’œil de l’homme qui fait seul la beauté du ciel et de la terre. Nous donnons la beauté aux choses en les aimant. L’amour contient tout le mystère de l’idéal. M. Caro nous rappelle à propos, dans son livre, un trait charmant de cette grande et naïve amante des choses, dont l’âme était en harmonie avec les fleurs des champs : « En portant mes mains à mon visage, dit George Sand, je respirai l’odeur d’une sauge dont j’avais touché les feuilles quelques heures auparavant. Cette petite plante fleurissait maintenant sur la montagne à plusieurs lieues de moi. Je l’avais respectée ; je n’avais emporté d’elle que son exquise senteur. D’où vient qu’elle l’avait laissée ? Quelle chose précieuse est donc le parfum, qui sans rien faire perdre à la plante dont il émane, s’attache aux mains d’un ami et le suit en voyage pour le charmer et lui rappeler longtemps la beauté de la fleur qu’il aime ? Le parfum de l’âme, c’est le souvenir…  »

Elle était en communion perpétuelle avec la nature, et ne pouvait respirer un brin de sauge sans