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Page:La Ville de Mirmont - La Mort de Sancho, paru dans Le Quotidien du 4 septembre 1927.djvu/6

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Pedro ne possède pas quatre maravédis de patrimoine, tandis que le fils de notre voisin le corroyeur, malgré ses cheveux roux, fera fort bien ton affaire, sitôt qu’il aura recueilli l’héritage de son oncle l’hôtelier. À mari donné, vois-tu ma fille, l’on ne regarde pas la couleur du poil ».

Quand il n’avait personne avec qui raisonner, Sancho s’adressait à son âne. Il lui parlait à cœur ouvert comme à soi-même, bien sûr d’être compris. Il faisait seul tous les frais de l’entretien, ce qui lui plaisait, n’aimant guère la contradiction.

― « Mon âne, disait-il, tu n’es qu’un grison, et ton bât n’est pas une selle. Écoute les conseils que me dicte mon expérience : les moulins à vent portent des toits, non pas des casques en acier. Leurs ailes — plus utiles que celles des oiseaux — ne sont pas des bras menaçants, mais tournent au vent propice. Leur cœur est formé d’une pierre dure qui écrase le blé pour le réduire en cette farine dont on pétrit le pain qui se mange.

« Retiens encore ceci : aussi vrai que deux et deux font quatre, un troupeau n’est point une armée ennemie, une paysanne n’a rien d’une princesse, un plat à barbe doit conserver sa destination, et tout malfaiteur mérite les galères. »

Enfin, par son esprit positif, Sancho sembla se concilier définitivement les bonnes grâces des enchanteurs qui, si souvent, naguère, avaient maltraité Don Quichotte. Les jours se suivaient, pareils aux petites vagues d’une mer très calme qui reflète le ciel vide.

Sa maison se haussa d’un étage, en