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ix
DE LA LANGUE BRETONNE.

qui, le reconnaissant, s’écria, avec un geste de mépris : Cecos Cæsar, ce qui, dans la langue des Gaulois, signifie : lâchez César, et effectivement il fut relâché. C’est César lui-même qui raconte cette anecdote dans ses Ephémérides, en s’applaudissant de son bonheur[1]. « Vraie eu fausse, elle prouve qu’au témoignage des Romains, le mot cecos signifiait lâchez, en langue gauloise. Hé bien ! il a la même signification en gaël d’Irlande et d’Écosse et en breton-gallois[2].

Si, après avoir cherché et retrouvé, dans ces différents dialectes, les mots cités comme celtiques par les écrivains anciens, et interprétés par eux de la manière qu’ils le sont encore, nous dressons la liste des anciens noms de lieux, de peuples, et d’individus que l’histoire ou la géographie de la Gaule ou de l’île de Bretagne nous ont transmis, essayant de les interpréter nous-même, cette étude nous donnera un résultat semblable : ils présentent en effet pour la plupart, des radicaux communs aux quatre dialectes celtiques modernes. Une pareille appréciation a ses dangers, je le sais : nous n’avons plus l’histoire pour guide, comme tout à l’heure ; nous quittons un terrain solide pour entrer dans le champ mouvant des conjectures, et les extravagances des érudits qui nous ont précédé, ont singulièrement discrédité l’instrument dont nous devons faire usage ; ce sera pour nous une raison de nous en servir avec la plus grande prudence, et de ne produire que des inductions incontestables. Les moins douteuses, ce me semble, peuvent être tirées de tous les noms anciens où l’on rencontre les racines, dun et bré, montagne ; penn, pic, sommet, éminence ; komb, vallée ; glenn, vallon ; mag, plaine ; luc’h ou louc’h, marais ; man et men, pierres ; kraeg, roche ; kar, ville ; dour, eau ; lenn, lac ; aven, aon, an ou ôn, rivière ; môr, mer, qui appartiennent, plus ou moins modifiées, aux quatre dialectes celtiques. Tels sont Uxellodunum, la haute montagne[3] ; Brannodunum, la montagne des corbeaux[4] ; Camulodunum, le mont de Camulus ou de Mars ; Moridunum, le mont de la mer[5], d’où les dunes, Verdun, Issoudun et Dun-le-Palletau ; Bremenium, la montagne des pierres[6] ; Alpes-Penninœ, les blancs sommets[7], d’où Penne (Aveyron, Lot, Lot-et-Garonne et Tarn) ; Cambonum, la vallée de l’eau[8], d’où Cambon (Loire-Inférieure, Aveyron et Tarn) et Comps (Ille-et-Vilaine, Seine-et-Marne, Allier, Ardèche, Creuse, Drôme, Gard et Gironde) ; Glenum, le vallon[9],

  1. Caius Julius Cæsar cùm dimicaret in Gallià, et ab hoste raptus, equo ejus portaretur armatus, occurrit quidam ex hostibus, qui eum nosset, et insultans ait, cecos Cæsar, quod in lingua Gallorum dimitte significat ; et ità factum est ut dimitieretur. Hoc autem dicit ipse Cæsar in Ephemeride sua ubi propriam commemorat felicitatera. (Servius. Æneid. L. XI. C. 8.)
  2. Gaël-irlandais, sgaoidh (pron. sekoz.) Gaël-écoss., sgaidh (pron. sekas). Gallois, ysgog, pron. ’sgog, et, par contract. ’sgog.)
  3. Gallois, Uc’hel. Breton, Uc’hel. Gaël-éc, Uasel. Gallois, Dun et Din. Breton, Tuchen et Duchen (par contraction, dun). Gaël-éc, Tom.
  4. Gaël-écos., bran. Gallois, bran. Breton, bran. Pl. brini, autrefois brano.
  5. Gallois, môr. Breton, môr. Gaël-irl., mouir. Phileraon Morimarusam àCimbris vocari, hoc est, morluummare. (Pline. Liv. IV. C. 13.)
  6. Gaël-écoss., brig. Gallois, brig. Breton ancien, bré. Gaël-écos., mein. Gallois, maen. Pl. meini. Breton, mean. Pl, mein.
  7. Gaël-irl. et éc., Alp. Gallois, Alp. Gallois, Penn. Breton, Penn.
  8. Gaël, Kamb et Kom. Gallois, Koum. Breton, Komb. Pour on, Vid. sup. p. viij. Note 15.
  9. Gaël, Gléan. Gallois, Glén, Breton, Glén.