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DE LA LANGUE BRETONNE.

année de nouvelles à son répertoire, prouvant ainsi que le génie dramatique est loin d’être éteint en Bretagne.

A la grammaire, au dictionnaire, au traité de versification, aux recueils des poésies anciennes ou nouvelles et de musique dont j’ai parlé, je pourrais joindre beaucoup d’autres ouvrages ; je ne m’arrêterai pas aux deux Bévues, où l’on juge les nouvelles productions en langue bretonne, premier essai d’examen critique de la littérature nationale ; mais je dois une mention toute spéciale à un important recueil périodique, purement breton, portant le titre de Lizériou Breuriez ar Feiz (Lettres de la Société de la Foi), qui se rattache à l’œuvre générale de la Propagation, et va atteindre le chiffre énorme de vingt mille lecteurs. Fondée par des disciples de Le Gonidec, cette publication, qui offre au peuple une lecture pleine d’enseignements et d’intérêt, et où on lui donne les premières notions qu’il ait reçues d’histoire et de géographie, parut sous les auspices des Evêques de Quimper et de St-Brieuc, toujours prêts à encourager tout ce qui peut concourir au maintien de la Foi, à la conservation de la langue bretonne et aux progrès de l’instruction. L’approbation accordée aux travaux des rédacteurs est une sanction éclatante des principes de la nouvelle école bretonne, et mérite d’être citée : « Nous ne pouvons, dit Mgr Graveran, qu’approuver le plan et les travaux des écrivains bretons de ces Annales. Nous ne croyons pas sans intérêt d’appeler l’attention de nos bien-aimés coopérateurs sur le soin apporté à n’employer, autant que possible, que des mots appartenant à la langue bretonne, et à suivre, pour l’orthographe, une méthode rationnelle et arrêtée, L’absence de toute règle et la fréquente introduction d’expressions exclusivement françaises, ôtent beaucoup de leur charme aux ouvrages d’ailleurs les plus utiles et les mieux composés, et nous croyons que nos pieux laboureurs eux-mêmes apprécient très-bien l’élégance et la pureté du langage. Dans quelques années, grâce à la multiplicité des écoles, tous, ou du moins le plus grand nombre, entendront la langue française ; mais ce sera la langue savante qu’ils parleront aux habitants des villes, ou aux personnes d’une condition supérieure ; entre eux, et dans leurs rapports de tous les moments, le breton demeurera le langage usuel, auquel ils s’attacheront de plus en plus, s’il est purgé de tout alliage, si, dans ses productions, il substitue aux errements capricieux de chaque écrivain, les règles fixées par la pratique et l’assentiment des plus doctes. L’instruction qu’ils auront puisée dans les écoles les rendra plus sévères sur l’observation de ces règles nécessaires de toute langue écrite ou articulée. Appliquons-nous donc à les connaître et à les observer, pour prévenir le mépris ou la décadence de notre précieux idiome, car sa conservation importe au bien de ce pays. » Ce succès n’était pas le seul réservé à l’école nouvelle. Mgr Graveran devait plus tard développer les dernières paroles qu’on vient de lire, et en faire le sujet d’un mandement sur la conservation de la langue bretonne, comme gardienne de la religion et de la moralité du peuple qui la parle. Son nouvel appel aux sentiments religieux et patriotiques des hommes pour lesquels il remplace, comme prince de l’Eglise et comme protecteur naturel, les anciens comtes de Cornouaille et de Léon, se termine ainsi : « Nous vous ferons une dernière recommandation : ayez toujours du res-