Page:La Villemarqué - Dictionnaire français-breton de Le Gonidec, volume 1.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
lviij
ESSAI SUR L’HISTOIRE

tion, la clarté, les affinités, la facilité dans renseignement et l’usage ; elle est simple, uniforme, dictée par le génie même de la langue, appuyée sur l’autorité des écrivains anciens les plus méthodiques, et conserve aux mots leur véritable physionomie, leur véritable son, sans trop s’écarter de l’usage reçu. Maintenant suivie par tous les littérateurs bretons de quelque mérite, sans aucune exception, elle a définitivement prévalu de nos jours et est désormais fixée. Si elle ne Ta pas été plus tôt, il faut l’attribuer à l’esprit de routine des Bretons, aux personnes âgées habituées dès leur jeunesse à employer une orthographe arbitraire, qui ne sont pas disposées à en adopter une nouvelle, quelque parfaite qu’elle soit, h la fin de leur vie ; et surtout aux libraires intéressés à l’écoulement de vieux livres de fonds rédigés dans des orthographes différentes entre elles et d’elles-mêmes, dernier débris de l’anarchie orthographique à laquelle dom Le Pelletier est venu mettre un terme. Cependant, quelque importante que soit l’orthographe d’une langue, les mots en eux-mêmes et surtout les lois qui les unissent en les gouvernant, ont bien plus d’importance ; or, il résulte du dépouillement de tous les ouvrages bretons publiés depuis le commencement du xvi*^ siècle, et de tous les vocabulaires antérieurs à dom Le Pelletier, que l’anarchie qui régnait dans la manière d’écrire existait aussi dans l’emploi des mots. Supplantés déjà par leurs équivalents latins, puis romans, avant le xv" siècle, un grand nombre de mots celtiques l’étaient maintenant par les expressions françaises correspondantes ; comme toujours, l’ignorance, la paresse, la négligence, et, le plus souvent, la vanité, guidaient les auteurs de ces néologismes ; évidemment ceux qui les introduisaient, ou bien ignoraient leur langue, ou ne se donnaient pas la peine de l’étudier, ou voulaient montrer qu’ils savaient le français, et qu’ils tenaient à suivre la mode. Les hommes et les mots du pays étaient traités alors de la même manière : les uns et les autres devaient céder le pas aux nouveaux venus. Un auteur déjà cité, Giles de Kerampuil, prétendit réduire en système ce qui, avant lui, avait été le fait exceptionnel d’écrivains plus ou moins corrects. On peut le voir dans sa traduction du catéchisme latin de Canisius, livre bon et propre, dit-il, pour prélats, pasteurs, mnistres (Vescole et peres de famille. c’est-à-dire, destinés à tous les Bretons. Afin de leur apprendre le français, il emploie le plus de mots possible de cette langue ; mais, comme il craint de n’être pas compris, il indique en marge, au moyen d’astérisques, ou dans le texte même, les vraies expressions liretonnes correspondantes. Son procédé est trop curieux pour que je n’en cite pas des exemples, quand ce ne serait que pour le flétrir. Ainsi, là, le texte offre le barbarisme français ressuscitaz (sic) (il ressuscita), la marge, son équivalent breton, kasçzorcliaz (sicj ; ailleurs, vir^initez, la marge, guère lidet (sic) ; plus loin, puissançz, la marge, gallout ; l’un convoitise, et l’autre choant ;

invoquernp iûç) (invoquons), l’autre, gnhernp ; celui-ci intérieur, 

celle-là calon (sic) ; ou bien on voit en regard les uns des autres, les mots baibares et les mots indigènes, aruluret (anduré), et gouzavet,- /c^//Yz/’(relirerj, et tenn ;facUe. hahasq (sic) ; promessa ( promesse) et diougofi ; antreprenet (entrepris), et qucmeret (sic) ; multiplio et cresquo (sic) ;