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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

Un silence lourd régna. Le grand-duc faisait des boulettes de mie de pain qu’il lançait d’un geste nerveux aux valets impassibles. La duchesse me regardait d’un air triste et je crus voir des larmes dans ses yeux. Moi, je sentais mon cœur se serrer et je faisais des efforts pour me contenir.

Soudain, le grand-duc donna un coup de poing sur la table et il me lança, d’une voix de tonnerre :

— Avez-vous eu des amants ?

La maison se serait écroulée que je n’aurais pas été aussi bouleversée. Des amants ? Moi ? Oh ! l’ignoble personnage !

Je ne répondis pas, mais le rouge de la honte empourpra mon visage.

La duchesse s’interposa.

— Mon ami, de grâce…

— Taisez-vous, ordonna-t-il, brutal. Je veux qu’elle réponde.

Et se tournant vers moi, tout d’une pièce, les mains agitées de tremblements.

— Oui ou non, avez-vous eu des amants ?

Cet homme était ivre, ou bien il voulait se jouer de moi.

Très digne, je me levai de table sans ré-