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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/52

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

C’est drôle ; depuis quelques jours, le grand-duc a changé d’attitude envers moi. À table, ses yeux suivent tous mes gestes ; son insistance me gêne ; j’éprouve une sorte de dépit à être ainsi détaillée par ces gros yeux faïence qui roulent dans ce visage grotesque. Parfois, quand je lève les yeux, je vois ceux du grand-duc qui semblent plonger jusqu’au fond de mon âme et chaque fois, je tressaille et je rougis. Je ne puis m’empêcher d’être troublée par ce regard inquisiteur qui me déshabille et j’ai honte, oui, j’ai honte comme s’il se commettait devant moi quelque chose de malpropre.

Pourquoi me poursuit-il ainsi ? À présent, je le rencontre à tout instant dans les escaliers ; il pénètre sans raison dans la chambre d’études ; il reste de longs moments, immobile, planté dans l’antichambre de la duchesse, comme s’il surveillait mon passage.

Et lorsque je parais, seule ou avec les enfants, je sens comme une brûlure, ses yeux qui me transpercent ; je marche plus vite, je m’incline gauchement et je rougis, comme une fille coupable.

Oh ! il m’agace, il m’horripile, il me crispe !