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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

Qu’est-ce qu’il veut de moi, ce magot repoussant ? Certes, pour une Altesse, il est bien répugnant ! Si tous les grands-ducs lui ressemblent elle est propre la haute aristocratie russe !

Depuis quelques jours surtout, je me sens surveillée avec une ténacité exaspérante ; pas un de mes gestes ne lui échappe. Du matin au soir, je l’ai sur mon dos et son regard me donne sur les nerfs ; j’ai envie de mordre, de griffer, de lancer des coups de pieds.

Même la nuit, je me sens espionnée et j’entends des pas qui vont et viennent devant la porte de ma chambre, étouffés par l’épaisseur du tapis. Je tourne à fond la clef dans la serrure de ma porte ; je pousse les verrous en haut et en bas, j’empile des chaises et des fauteuils, pour faire une barricade… Et avec cela, je ne dors plus ; je reste, haletante, à écouter les pas, les trois quarts de la nuit. J’ai pâli, je me sens affaiblie. La duchesse même s’est aperçue de mon état d’énervement, de ma pâleur, elle m’interroge.

Que répondre, mon Dieu ! Faut-il lui dire la cause de mon malaise ? Je n’ose. Pauvre femme, elle souffre assez ; à quoi bon lui faire de la peine encore !