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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/103

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Mais tu peux te venger de la gent criminelle. »
À ces mots, l’Empereur est remonté à cheval.


CLXXXIII

Pour Charlemagne, Dieu fit un grand miracle,
Car le soleil est demeuré en place.
Les païens fuient ; les Français les poursuivent.
Ils les atteignent au Val-Ténèbres,
Et les pourchassent, en frappant, vers Saragosse.
À grands coups, ils les tuent.
Leur coupent grandes routes et chemins.
Le cours de l’Ebre se présente devant eux :
Il est profond et d’un courant terrible ;
Il n’y a point de barque, de dromond, ni de chaland.
Les païens invoquent Mahomet et Tervagant,
Puis se jettent à l’eau, mais n’y trouvent pas de refuge.
Les mieux armés sont les plus lourds ;
Quelques-uns coulent à fond,
D’autres dérivent, au gré du courant.
Les plus fortunés boivent un rude coup,
Tous sont noyés dans d’horribles tourments.
Les Français crient : « Vous avez vu Roland pour votre malheur ! »


CLXXXIV

Quand Charles voit que tous les païens sont morts,
Que quelques-uns sont tués, et plusieurs noyés
(Ses chevaliers en ont fait un grand butin).
Le noble Roi est descendu à pied.
Il s’allonge à terre et rend grâces à Dieu.
Quand il se lève, le soleil est couché.
L’Empereur dit : « C’est l’heure de prendre gîte,
Il est trop tard pour retourner à Roncevaux.
Nos chevaux sont las et recrus de fatigue ;
Enlevez les selles, et les freins de leurs têtes,
Et laissez-les se rafraîchir dans ces prés. »
Les Français répondent : « Sire, vous dites bien. »