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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/104

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CLXXXV

L’Empereur prend là ses quartiers.
Les Français descendent sur la terre déserte.
Ils ont enlevé les selles de leurs chevaux,
Ils leur ôtent de la bouche les freins d’or,
Ils leur livrent les prés où l’herbe fraîche abonde,
Ils ne peuvent rien faire de plus pour eux.
Ceux qui sont las s’endorment contre terre.
Cette nuit-là, on ne fit pas de garde.


CLXXXVI

L’Empereur s’est couché dans un pré.
Il a mis sa grande lance à son chevet, le vaillant,
Car il ne veut pas se désarmer de la nuit.
Il a revêtu son blanc haubert brodé.
Il a lacé son heaume gemmé d’or
Et ceint Joyeuse, son épée sans pareille,
Qui chaque jour lance trente reflets différents.
Vous n’êtes pas sans avoir entendu parler de la lance
Dont Notre-Seigneur fut blessé, sur la croix.
Charles, grâce à Dieu, en possède le fer.
Il l’a fait sertir dans le pommeau d’or de son épée.
À cause de cet honneur, à cause de sa bonté
On a donné à l’épée le nom de Joyeuse.
Les barons français ne doivent pas l’oublier.
Puisque c’est de là que vient le cri de « Montjoie ! »
Qui fait que nul ne leur peut résister.


CLXXXVII

La nuit est claire, et la lune brillante.
Charles, couché, a grande douleur en pensant à Roland.
Le regret d’Olivier lui pèse lourdement
Avec celui des douze Pairs et de tous les Français
Qu’il a laissés morts, couverts de sang, à Roncevaux.