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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/106

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Tous deux s’étreignent à pleins bras, pour lutter.
Mais on ne sait quel est le vainqueur ou le vaincu.
Et l’Empereur ne s’est pas réveillé.


CLXXXIX

Après ce songe arrive un autre songe :
Charles rêve qu’il est en France, à Aix, sur un perron,
Et qu’il tient un ours par une double chaîne.
Du côté de l’Ardenne, il en voit venir trente autres,
Et chacun d’eux parle aussi bien qu’un homme.
Ils lui disent : « Sire, rendez-le-nous !
Il n’est pas juste que vous le gardiez plus longtemps,
Nous devons secourir notre parent. »
Mais, du palais un lévrier accourt,
Qui attaque le plus robuste des fauves
Sur l’herbe verte, auprès de ses compagnons.
Le Roi vit là une rude bataille !
Mais on ne sait quel est le vainqueur ou le vaincu.
Voilà ce que l’ange de Dieu montre au baron,
Mais l’Empereur sommeille jusqu’au jour clair.


CXC

Le Roi Marsile s’enfuit à Saragosse,
Il met pied à terre à l’ombre d’un olivier,
Remet aux siens son épée, son heaume, et sa broigne,
Et se couche très piteusement sur l’herbe verte.
Il a perdu sa main droite, tout entière.
En voyant le sang couler, il se pâme d’angoisse.
Devant lui, sa femme Bramimonde
Pleure et crie, et se lamente douloureusement.
Avec lui, il a plus de vingt mille hommes
Qui maudissent tous Charles et la douce France.
Ils vont dans une grotte, vers leur dieu Apollon ;
Ils le tancent, et l’accablent d’injures :
« Ah ! mauvais Dieu ! pourquoi nous as-tu fait une telle honte ?
Pourquoi avoir laissé confondre notre Roi ?