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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/107

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Tu donnes bien mauvais loyer à tes serviteurs. »
Là-dessus, ils lui enlèvent son sceptre et sa couronne,
Le pendent par les mains à une colonne,
Le retournent à terre sous leurs pieds,
Le battent et le mettent en morceaux à coups de bâton.
Ils enlèvent aussi son escarboucle à Tervagant,
Et jettent Mahomet dans un fossé
Où porcs et chiens le mordent et le foulent aux pieds.


CXCI

Marsile est revenu de sa pâmoison,
Il se fait porter dans sa chambre voûtée,
Ornée de peintures et d’inscriptions bariolées[1].
La reine Bramimonde pleure sur lui.
Elle arrache ses cheveux, déplore son malheur,
Puis dit ces mots à haute voix :
« Ô Saragosse, te voilà aujourd’hui privée
Du noble Roi qui t’avait en sa possession.
Nos dieux nous ont fait une félonie
En nous abandonnant ce matin, dans le combat.
L’Émir ne sera qu’un traitre
S’il ne combat avec cette race hardie,
Ces gens si fiers qu’ils ne se soucient pas de leurs vies.
Leur Empereur a la barbe fleurie,
Il pousse le courage jusqu’à la folie ;
S’il y a une bataille, il ne s’enfuira pas.
C’est grand deuil qu’il n’y ait personne pour le tuer. »


CXCII

L’Empereur, grâce à sa grande puissance.
Sept ans tout pleins est resté en Espagne.
Il y a pris châteaux, et nombre de cités.
Le Roi Marsile en avait été fort tourmenté ;
Dès la première année, il fit sceller ses lettres,
Et manda à Baligant, habitant Babylone

  1. D’arabesques.