Aller au contenu

Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

(C’est l’Émir, le très vieil Émir
Qui surpasse en âge Virgile et Homère),
De venir le secourir à Saragosse ;
Sinon, il abandonnerait ses dieux
Et les idoles qu’il avait coutume d’adorer,
Et il recevrait la sainte loi chrétienne,
Et s’accorderait avec Charlemagne.
Baligant est loin, il a longtemps tardé ;
Il a convoqué le peuple de ses quarante royaumes,
A fait apprêter ses grands dromons,
Esquifs, barques, galères et nefs.
À Alexandrie, où il y a un port sur la mer,
Il a disposé toute sa flotte,
Et c’est en mai, au premier jour d’été,
Qu’il a lancé ses forces sur la mer.


CXCIII

Grande est l’armée de la gent ennemie !
Ils cinglent, naviguent et gouvernent en grande hâte.
Au haut des mâts, à la pointe des vergues,
Il y a tant de lanternes et d’escarboucles
Qui projettent une telle lueur sur les eaux
Qu’en pleine nuit la mer semble plus belle.
Au moment où ils arrivent en vue de l’Espagne,
Tout le pays en reluit et s’éclaire.
La nouvelle en vient jusqu’à Marsile.


CXCIV

L’armée païenne ne veut pas s’arrêter un moment.
Elle sort de la mer, entre dans les eaux douces,
Laisse derrière elle Marbrise et Marbrouse,
Et tourne tous ses navires en amont dans l’Èbre.
Que de lanternes et d’escarboucles.
Qui leur donnent, toute la nuit, une immense clarté !
Le même jour, ils arrivent à Saragosse.