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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/11

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PRÉFACE


La plus considérable et la plus belle de nos épopées nationales est née d’un événement modeste. À la suite d’une campagne que Charlemagne, le grand empereur, fit en Espagne, une petite partie de son armée commandée par le comte Roland, préfet de la marche de Bretagne, fut écrasée à Roncevaux, au passage des Pyrénées, par une bande de Gascons pillards. Mais l’imagination populaire s’empara de ce fait sans importance, et, comme autour du héros Charlemagne elle ne voulait voir que des héros, elle lui donna un tel retentissement que moins d’un siècle après la mort de l’empereur, sous le règne de Charles le Chauve, un historien, parlant des guerriers qui trouvèrent la mort dans cette échauffourée d’arrière-garde, déclarait qu’il était inutile de citer leurs noms parce qu’ils étaient trop connus : « Quorum quia vulgata sunt nomina, dicere supersedi. » En trois siècles se produit le sourd et merveilleux travail d’où sortit la Chanson de Roland. L’orgueil du sentiment national, l’admiration passionnée pour la gloire de Charles exaltent les esprits. Les faits initiaux sont hardiment modifiés. Aux Gascons, peuplade montagnarde peu digne d’être chantée, on substitue l’ennemi tradi-