Aller au contenu

Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tionnel : les Sarrasins, et l’expédition revêt tout l’éclat d’une croisade. On imagine que Charles vengea sa défaite, alors qu’en réalité il n’y songea même point, et l’on n’admit pas qu’une déroute française se fût produite sans une trahison. Ainsi, l’on chanta dans toute la France, durant les Xe et XIe siècles, des poèmes qui avaient trait à la bataille de Roncevaux, et, vers le milieu du XIesiècle, un trouvère de génie, dont on ne sait presque rien, rassembla ces fragments en une vaste composition : c’est la Chanson de Roland telle qu’elle nous est parvenue.

Le dialecte dans lequel le poème se trouve écrit et certains autres indices, la dévotion particulière de l’auteur à saint Michel du Péril, par exemple, permettent de conjecturer avec quelque certitude qu’il était Normand. Certains critiques ont même pu croire qu’à la fin du poème, le poète avait dévoilé son identité, dans ce vers :

« Ci fact la geste, que Turoldus declinet. »

Mais leur opinion a rencontré des adversaires, et certains érudits se croient fondés à soutenir qu’il ne s’agit là que de l’un des trouvères qui récitaient les couplets du poème à l’issue des festins seigneuriaux. Quoi qu’il en soit, la Chanson de Roland est doublement intéressante, au point de vue littéraire et au point de vue purement français. Certes, cette épopée n’a pas les mérites d’abondance, de souplesse, de coloris qu’ont les grands poèmes épiques de l’antiquité, de l'Iliade et de l'Énéide, produits d’une civilisation déjà raffinée. On ne peut s’empêcher de trouver la langue de notre trouvère bien rude, et les sentiments de ses héros parfois