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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/13

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bien simples. Mais de pareils défauts ne vont pas sans certaines beautés qui ont bien leur prix. Il règne, dans certains passages du poème, une grandeur sauvage, on y respire un étrange parfum de barbarie et de douceur chrétienne mêlées qui retient nos cœurs par un charme difficile à définir. Enfin, nous nous retrouvons nous-mêmes, dans les petits vers durs, rapides et pressés de la chanson. Voici, dans l’âme des vieux héros, tous les défauts, et aussi toutes les merveilleuses qualités de notre race : arrogance, témérité, courage indomptable, générosité sans mesure, fidélité absolue au serment.

Les personnages sont peints d’une manière vive et fruste qui fait songer aux statues des anciennes cathédrales. Charles, l’Empereur à la barbe fleurie, l’oint du Seigneur, le champion de la foi chrétienne contre les infidèles, domine tous les autres. À ses côtés se tiennent Roland et Olivier, les deux amis unis dans la mort, à la fois si semblables et si contraires. Parmi ces rudes guerriers, la belle Aude, la fiancée de Roland, vient montrer un instant ses traits hautains et tendres, vite effacés par la mort. Ganelon lui-même, le traître Ganelon est dessiné d’une main habile. Il n’est pas comme ces traîtres de mélodrame, qui sont odieux par vocation, et dont on n’ose guère penser qu’ils pourraient être des gens comme tout le monde. C’est un honnête chevalier que la crainte et que la jalousie entraînent au crime. On ne peut se défendre envers lui d’une certaine pitié.

Il nous reste maintenant à renseigner le lecteur sur la forme des vers employés dans la Chanson de Roland. Le texte est distribué en « laisses » ou couplets d’une longueur variable. Ces laisses sont composées de vers octo-