Si bien qu’il l’abat mort, qu’on en pleure ou qu’on en rie.
Sur ce coup, les français s’écrient :
« Frappez, barons, pas de retard ;
Contre la gent païenne, Charles a le bon droit,
C’est ici la vraie justice de Dieu. »
Malprime, monté sur un cheval tout blanc,
Se porte au milieu de l’armée française.
D’heure en heure, il y frappe de grands coups
Et sur un mort abat un autre mort.
Baligant s’écrie tout le premier ;
« Ô mes barons, vous que j’ai longtemps nourris,
Voyez comme mon fils va cherchant Charles,
Et comme il attaque nombre de barons.
Je ne souhaite pas combattant plus intrépide.
Soutenez-le de vos épieux tranchants. »
À ces mots, les païens s’avancent,
Ils frappent de rudes coups ; la mêlée est terrible ;
La bataille est merveilleuse et pesante ;
Jamais, ni avant ce temps, ni depuis, il n’y en eut de pareille.
Les armées sont immenses et les compagnies intrépides,
Toutes les colonnes sont engagées.
Et les païens frappent terriblement.
Dieu ! que de lances brisées par le milieu,
Que d’écus brisés, que de hauberts démaillés !
Vous pourriez voir la terre si couverte de morts
Que l’herbe, aux champs, jadis verte et déliée,
Du sang des corps est toute envermeillée.
L’Émir s’adresse à sa maison :
« Frappez, barons, sur la gent chrétienne. »
La bataille est terrible et acharnée ;
Ni avant, ni dès lors, on n’en vit si forte ni si farouche.
Elle sera disputée jusqu’à la mort.