Aller au contenu

Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si bien qu’il l’abat mort, qu’on en pleure ou qu’on en rie.
Sur ce coup, les français s’écrient :
« Frappez, barons, pas de retard ;
Contre la gent païenne, Charles a le bon droit,
C’est ici la vraie justice de Dieu. »


CCXLVI

Malprime, monté sur un cheval tout blanc,
Se porte au milieu de l’armée française.
D’heure en heure, il y frappe de grands coups
Et sur un mort abat un autre mort.
Baligant s’écrie tout le premier ;
« Ô mes barons, vous que j’ai longtemps nourris,
Voyez comme mon fils va cherchant Charles,
Et comme il attaque nombre de barons.
Je ne souhaite pas combattant plus intrépide.
Soutenez-le de vos épieux tranchants. »
À ces mots, les païens s’avancent,
Ils frappent de rudes coups ; la mêlée est terrible ;
La bataille est merveilleuse et pesante ;
Jamais, ni avant ce temps, ni depuis, il n’y en eut de pareille.


CCXLVII

Les armées sont immenses et les compagnies intrépides,
Toutes les colonnes sont engagées.
Et les païens frappent terriblement.
Dieu ! que de lances brisées par le milieu,
Que d’écus brisés, que de hauberts démaillés !
Vous pourriez voir la terre si couverte de morts
Que l’herbe, aux champs, jadis verte et déliée,
Du sang des corps est toute envermeillée.
L’Émir s’adresse à sa maison :
« Frappez, barons, sur la gent chrétienne. »
La bataille est terrible et acharnée ;
Ni avant, ni dès lors, on n’en vit si forte ni si farouche.
Elle sera disputée jusqu’à la mort.